vendredi 28 février 2020

100 mots pour une vie : Marie Eppherre-Irigoyen (1888-1918)

Marie voit le jour le 28 janvier 1888 à Aussurucq dans la maison Etxeberria. Elle est la quatrième enfant de Dominique Eppherre et Elisabeth Irigoyen*. Le 18 avril 1912, elle épouse Joseph Hoquigaray, un cultivateur d'Oyherq, de dix ans son aîné. Le couple aura bientôt deux fils, Raymond, en juillet 1913 et Michel en février 1917. Alors que la famille est déjà éprouvée par la mort en février 1916 à Verdun de Michel, son frère cadet, et que ses frères aînés Dominique et Jean-Baptiste ne sont pas encore rentrés de la guerre, Marie s'éteint en novembre 1918 de la grippe espagnole.    
 * Mes arrière-grands-parents

Avec un bilan final compris entre 50 et 100 millions de morts, l’épidémie de grippe espagnole survenue entre 1918 et 1920 coûta la vie à trois à six fois plus de personnes que la Première Guerre mondiale. (RetroNews). 

Voilà ce qu'on peut lire dans "Autour du clocher", le bulletin paroissial de Mauléon, en décembre 1918 : « Tel est le triste bilan des ravages exercés par la grippe dans la paroisse depuis un mois : 24 décès (Juana Asnarez Mendiara, 82 ans, André Méheillalt, 71 ans, Jean-Pierre Berdalle, 32 ans, Pierre Aguer, 66 ans, Grégoria Nadal, Henriette Carricart 21 ans, Marie-Louise Damalenaere, 48 ans, Marie-Anna Bessouat 63 ans…) dont quatre mères de famille (Tomasa Jasa épouse Martin, 28 ans, avec son fils, Marie Epherre Irigoyen épouse Hoquigaray, 30 ans, Catherine Peillen épouse Paillet, 34 ans, après Anne-Marie Paillet, Sylvie-Marie Collet épouse Braconnier et Marianne Harichoury épouse Borde, 32 ans) ; et aussi dix enfants de 6 mois à 7 ans : Albert Martin, 2 ans, Félicien Daviton, 7 ans, Marie Castejon, 6 ans, Pierre-Michel Fourcade, 6 ans, Jean Anso, 5 ans, Joseph Vincente, 6 mois, Jean-Pierre Hoguy, un an, Jean Langlois, 5 ans, Jules Cuyen, 2 ans et Marguerite Indurain, 3 ans)! Nous recommandons aux personnes atteintes la plus rigoureuse prudence hygiénique. » (Ikerzaleak).

Illustration : Active History, Canada

samedi 15 février 2020

Le laboureur et le châtelain

Il fait plutôt friquet ce matin du 3 mars 1769 tandis que je traverse le parc du château de Trois-Villes en Haute-Soule. Le Château d'Eliçabia, c'est son nom, est une belle maison noble qui domine le Saison. Il se murmure que ses plans auraient été conçus par le grand architecte Mansart lui-même, et qu'au siècle dernier, il retrouva un peu de son lustre grâce à Jean-Arnaud du Pereyre, Capitaine des Mousquetaires du Roy, qui le fit transformer en un édifice "Grand Siècle".

Anobli en 1643 par la grâce d'Anne d'Autriche, le vaillant mousquetaire - il s'était distingué lors du siège de La Rochelle - devint comte de Trois-Villes (ou de Tréville). Après sa mort en 1672, et celle de son fils unique Joseph-Henry sans descendance, c'est à son neveu le Chevalier Armand-Jean, marquis de Monein et comte de Trois-Villes que revint le château. Hélas, je n'aurai pas la chance de le croiser.

En effet, si je suis là en catimini aujourd'hui, c'est pour emboîter le pas à mon ancêtre Dominique Eppherre qui s'apprête à signer un important contrat pour lequel il a fait le déplacement depuis Barcus. Messire Jean Pierre, abbé de Sarry, est "fondé de procuration" pour le comte comme l'annonce d'emblée M° Darhan, notaire à Tardets.

La transaction porte sur un bail à ferme pour neuf ans et neuf récoltes consécutives qui prendra effet au prochain jour des Rameaux et aura pour terme le même jour de 1778. Tandis que je propose mon cruchon aux participants (c'est tout ce que j'ai trouvé pour pouvoir observer la scène à loisir), j'essaie de comprendre les tenants de ce contrat mais ce n'est pas simple !

Il y est question de fruits décimaux que mon aïeul percevra mais aussi de quatre conques de milloq, de dix conques de froment et d'un agneau de choix qu'il devra "bailler" chaque année au titre de la dîme à l'église de Laguinge appartenant au Seigneur de Trois-Villes, en plus d'un loyer de 428 livres par an*. Ce contrat me semble bien léonin mais a l'air de satisfaire Dominique qui appose sa plus belle signature au bas du parchemin. Il est vrai que ce n'est pas rien pour un laboureur au 18e siècle de prendre à ferme les terres d'un seigneur !
En plus du curé et du notaire, les autres signataires sont Jean d'Espeldoy de Tardets, sergent royal, et Henry de Pourtau, négociant à Montory, témoins. L'oncle paternel de Dominique, Jean Saru, qui était concierge au château de Trois-Villes à cette époque n'est pas présent. J'aurais aimé demander à mon ancêtre si c'est par son intermédiaire qu'il avait eu ses entrées auprès du châtelain mais il est temps pour moi de me faire oublier...  

Qui sait, en repartant, peut-être vais-je croiser dans le beau jardin à la française le nommé Pierre Bouvié, originaire de Chateaubourg en Bretaigne (sic), jardinier exilé en cette terre souletine ? 
*environ 4826 euros

Illustration : Le château de Trois-Villes par le Dr Delanghe (Bilketa)
Sources : AD64 (état civil et minutes notariales) et sur le château de Trois-Villes : Baskulture
Bibliographie : "Ancêtres paysans" de Marie-Odile Mergnac (Ed. Archives & Culture)
Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante: je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.