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lundi 4 juin 2018

Une brigade de douaniers en Soule au 19e siècle (II)

Tourner les pages d'un registre des naissances sur une période donnée plutôt que de "piocher" en fonction des recherches en cours, a l'avantage d'offrir une "radioscopie" de la commune et de remarquer quelques détails, situations ou protagonistes auxquels on n'aurait pas prêté attention autrement. Ainsi de deux préposés de la brigade d'Aussurucq à l'attitude en apparence bien différente...

En avril 1833, alors qu'il a déjà quitté la brigade d'Aussurucq pour celle de Sainte-Engrâce, le nommé Jean Esponda dit Saroïberry se présente à la mairie pour reconnaître une fille qu'il a eue six mois auparavant avec une jeune fille du village. Jean Esponda, originaire des Aldudes où il est né le 6 octobre 1807, semble avoir pris ses responsabilités sans aller toutefois jusqu'à épouser la mère de l'enfant. Celle-ci, devenue tisserande comme sa mère dont elle porte d'ailleurs le prénom, Marie, décèdera à Aussurucq à vingt ans. L'histoire ne dit pas si elle avait revu son père...

Un autre préposé déclare en février 1844, l'enfant d'une certaine Marie P., cultivatrice âgée de 38 ans, et d'un père inconnu. Le nouveau-né portera le prénom de Joseph qui se trouve être aussi celui de "notre douanier", Joseph Caritat. Né le 1er septembre 1800 à Domezain, marié depuis 1828 avec une certaine Elisabeth Alferits de Licq dont il a eu au moins trois enfants, il rejoint la brigade d'Aussurucq en 1834. Curieusement, après dix ans dans le village, il est muté le 1er juillet 1844. Simple coïncidence ou suspicion d'enfant adultérin ? Le doute demeure.

Le préposé Jean Agorreçabehere, né le 29 juillet 1807 à Baïgorry, est aussi fils de douanier. Il commence sa carrière le 1er janvier 1829 et a déjà connu sept (!) affectations quand il arrive à Aussurucq au début de l'été 1833. Il s'est marié en novembre de l'année précédente à Licq avec une demoiselle Luce Obiague d'Athérey. Eux aussi vont "donner" deux enfants à la commune, un garçon en 1835 et une fille en 1837. Ils quitteront Aussurucq deux ans plus tard pour Bidarray et la carrière de douanier de Jean s'arrêtera en 1854.

Dominique Ahetz-Etcheber ou Ahetcecheber (là, mon lecteur se dit que ces noms basques sont vraiment impossibles !) est né à Ordiarp le 13 mai 1810. Il fait deux séjours à Aussurucq entre septembre 1844 et décembre 1847, entrecoupé d'une mutation de six mois à Sainte-Engrâce (visiblement, les "RH" de l'époque se fichent comme d'une guigne des contingences familiales...). A Aussurucq, sa femme, Marguerite Ossiniry de Chéraute aura le temps de lui donner une petite Marianne en 1846 avant de repartir à Sainte-Engrâce avant Licq et Larrau. Il est admis à la retraite en 1862.

Pendant son temps à Aussurucq, Joseph Lafiosat, né à Moncayolle le 15 mai 1804, contribuera également à la "poussée démographique" du village. Il s'y marie en janvier 1834 avec une "locale", Engrâce Campané dite Etchetopé. Mon ancêtre Jean Dargain, père de Pierre, et sous-lieutenant des douanes en retraite, est témoin du mariage, la promise étant une parente du côté de sa première femme. De 1838 à 1846, le couple aura trois enfants nés à Aussurucq. Joseph prend sa retraite le 1er janvier 1862 à Sainte-Engrâce et décède trois ans plus tard dans sa maison Etchetopé d'Aussurucq.

Pierre Claverie naît le 26 avril 1809 à Hasparren. Fils de laboureur, il est domestique avant de s'engager dans les Douanes à l'âge de dix-huit ans. Alors qu'il est en poste à Issor, il se marie en août 1837 avec une native de Licq, Adrianne Mandagaran. Ils ont déjà deux enfants, garçon et fille de trois ans et dix mois lorsqu'il rejoint la brigade d'Aussurucq en novembre 1841. Il y restera sept ans et aura encore un fils et une fille nés dans la commune en 1838 et 1841, puis un dernier fils en 1849, à Licq. Entre temps, Pierre aura été affecté à la Division de Bordeaux avant de revenir au Pays basque où il prendra sa retraite le 1er février 1866.
[A suivre] 

Nota : Sauf indication contraire, toutes les communes évoquées se situent dans les Basses-Pyrénées (aujourd'hui Pyrénées Atlantiques) 

Illustration : Officier et douanier en grande tenue 1852-1870 (gabelou.com)

mercredi 28 mars 2018

Une mère et ses filles en Argentine (IV) - La petite Marie

La "petite Marie" par qui toute cette histoire a commencé est la seule pour laquelle nous avons des dates précises de départ et d'arrivée. D'après les informations du Fonds Vigné, elle embarque à Bordeaux sur le "Ville de Saint-Nicolas" le 16 novembre 1887 et, grâce au Cemla, on sait qu'elle arrive en Argentine le 13 décembre suivant après sûrement une escale à Montevideo en Uruguay.

J'ai déjà évoqué dans un précédent billet la vie à bord durant cette traversée de près d'un mois d'après des témoignages d'époque. Rappelons que Marie n'avait alors que dix-sept ans ! Pour la distinguer de sa sœur aînée, nous l'appellerons désormais Maria car après tout, elle a dû porter plus longtemps ce prénom dans sa vie que ses variantes française ou basque.

Il n'a pas été très difficile de deviner quel avait été le point de chute de Maria à son arrivée : sa mère, ses sœurs Marie et Clémentine et leurs maris étaient tous à Juárez fin 1887. En revanche, un mystère entoure sa rencontre avec un certain Jean Sorhondo dont on ne sait rien ou presque si ce n'est qu'il a environ quinze ans de plus qu'elle et qu'il est basque français.

Ils se marient en 1888, assez vite après l'arrivée de Maria, donc. Le 21 mars 1889, Maria accouche à Avellaneda d'un petit Martin Benito qui est baptisé le 3 avril suivant en l'église Nuestra Señora de Asunción. Ses parrain et marraine sont des amis du couple et non des membres de la famille. Jean a peut-être pensé installer sa famille à Avellaneda avant d'opter pour Quilmes ?

Nous savons que la famille Sorhondo fera souche à Quilmes grâce au Census argentin de 1895. Il est fait mention dans le recensement de la population du Cuartel 3 (población rural) d'un Juan Sorhondo, 40 ans, journalier, accompagné de Maria S., 25 ans, et leurs trois enfants, Martin, 6 ans, Margarita, 4 ans et Pedro, 2 ans.

Autre information d'importance, la famille est également composée d'une Margarita Serviela de 70 ans et d'un Fernando Lagardo de 11 ans. Née en 1825, Marguerite a en effet soixante-dix ans et a donc rejoint sa fille cadette à Quilmes. Elle n'est pas venue seule, son petit-fils Fernando Lagarde, né en 1884, fils de Marie l'aînée, vit désormais avec elle chez sa tante, à la campagne. 

Enorme frustration que connaissent bien les généalogistes, l'absence de registres ! A Quilmes, ils ont disparu ou n'ont pas été numérisés après 1890. Jusqu'au bout Pierre Sorhondo aura gardé ses secrets. Il faudra attendre le mariage de sa fille Margarita à Coronel Pringles en avril 1913 pour apprendre qu'il est décédé entre temps.

Mais surprise, Maria, présente au mariage de sa fille, est toujours domiciliée à Quilmes où elle s'est remariée avec un certain José L. Bacigalupo ! Toujours grâce à la troisième génération, on comprend que les Sorhondo ont eu (au moins) un quatrième enfant à Quilmes, une fille prénommée Maria Josefa, née après 1895, et qui se marie avec son cousin germain Pedro Esponda, le fils de Clémentine, en 1919.

En 1920, à Laprida, Maria Serbielle de Barigalupo est marraine de son petit-fils José Mario, fils de sa fille Maria Josefa et de son neveu Pedro Esponda. Après l'avoir longtemps cherchée, je ne résiste pas à la tentation de faire valider ce billet par "ma petite Marie" ...
[A suivre] 

Illustration : Estación de Quilmes (non datée) Wikimedia 
Sources :   AD64Gen&OFamilySearchGeneanet, Wikipedia.

mardi 27 mars 2018

Une mère et ses filles en Argentine (III) - Clémentine

Clémentine est la deuxième fille à se rendre en Argentine. Son nom est mentionné dans les registres de Guillaume Apheça, un agent d'émigration, déjà évoqué. Il n'était pas simple à repérer dans la liste car libellé Clémentine Etchax (sic). Encore une fois le nom de la maison - mal orthographié de surcroît - a pris le pas sur le patronyme ! Elle embarque donc le 5 octobre 1880. On se prend à espérer que sa mère Marguerite Lohitçun aura fait le voyage avec elle mais rien ne permet de l'affirmer.

Comme sa sœur aînée Marie, Clémentine Servielle se marie à l'église Nuestra Señora de los Dolores avec un compatriote, Pierre Esponda, le 23 juillet 1883. Née le 18 mai 1863, elle a donc vingt ans, son promis en a trente-deux et est originaire d'Espelette. Le couple s'installe à Juárez où vivent déjà Marie et Marguerite, et la famille Esponda s'agrandit rapidement avec l'arrivée de José, au printemps suivant.

Suivront Margarita en mai 1886, Tomas en avril 1888, Maria en juin 1892, Pedro en mai 1894 et Ana en septembre 1896. Sans surprise, la marraine de Margarita est sa grand-mère Marguerite comme elle l'avait déjà été pour sa cousine Margarita Lagarde. La marraine de Maria est sa tante maternelle Marie Serviella (sic) qui est aussi marraine de Tomas dont le parrain est...Tomas Etcheverri, son compagnon.

De leur côté, Clémentine Servielle et Pierre "Pedro" Esponda seront les parrains de la petite Clementina Serviela-Etcheverri, celle que son père a reconnue. Tous ces baptêmes sont célébrés à Nuestra Señora del Carmen à Juárez où la cellule familiale s'est reconstituée. D'autant que bientôt, une autre fille de Marguerite va la rejoindre...

Le couple Esponda semble être à l'aise, et Pedro apparaît rapidement dans les actes en qualité de propriétaire d'hacienda. Au tournant du siècle, la famille va s'installer à Laprida, une "ville nouvelle" fondée en septembre 1889 sur des terres prises aux communes de Coronel Suarez et Juárez (voir carte). Six ans après sa création, au recensement de 1895, elle compte déjà 4290 habitants.

En 1918, la population de Laprida aura doublé, à l'instar de la famille Esponda. Cinq des six enfants vont se marier donnant naissance à une vingtaine de petits-enfants. Cette même année, l'automobile fera son apparition et parmi les 99 premières immatriculations, on comptera celle de ... Clementina Serbielle de Esponda !  

[A suivre]

Illustration : Juárez, Avenida Alsina y Banco de la Provincia de Buenos Aires (benitojuarez.gov.ar
SourcesAD64 (état civil), Gen&O (état civil et minutes notariales), FamilySearchGeneanet, Wikipedia.
eke-icb, Institut culturel basque, pour les registres de Guillaume Aheça 

mercredi 21 juin 2017

Quand le sort s'acharne sur une famille

En parcourant l'acte de mariage de mes trisaïeuls Martin Etchemendy et Isabelle Esponda avant ma "rencontre" avec cette dernière, j'ai vu que celle-ci était fille unique. Néanmoins, il y était fait état d'un cousin germain du côté paternel auxquels ses parents avaient emprunté une assez grosse somme. Dette que le mariage avec "Martin l'amerikanoak" allait pouvoir éponger...  

Le cousin en question, Jean Esponda, cultivateur et maître de la maison Bordato à Béhorléguy, tel qu'il est mentionné dans l'acte en question, est né le 23 juillet 1821 et a donc trente ans quand il se marie le 24 novembre 1851 avec une jeune fille du même village, Dominica Larralde. Ensemble, ils auront d'abord deux fils dont le deuxième, Arnaud, décède à l'âge de cinq mois, suivis de huit filles. Cette famille, à première vue banale dans le contexte de l'époque, va pourtant me révéler bien des surprises. 

Le 17 décembre 1873, Jean le père qui a plutôt bien réussi dans la vie au point de pouvoir aider son oncle dans le besoin, meurt à l'âge de 52 ans dans sa maison de Bordato. Huit jours auparavant, le notaire, Maître Jean-Baptiste Etcheverry de Saint-Jean-Pied-de-Port vient sur place rencontrer un homme malade certes mais "sain de corps et d'esprit" qui souhaite dicter son testament. Sa femme, Dominica Larralde en profite pour en faire de même.

S'ils sont assez classiques (jouissance des biens et usufruit au dernier vivant) et désignation d'une héritière, en l'occurrence la fille aînée Gracianne, née le 6 mai 1852, une mention dans ces testaments m'intrigue. Ils stipulent en effet que l'héritière doit rester dans la ferme et renoncera à ses droits si elle part en Amérique. Pourquoi cette précision ? Et surtout pourquoi aucune mention n'est faite du fils aîné, Jean, né le 2 janvier 1847 ?  

L'explication viendra plus tard dans l'inventaire des biens familiaux demandé par Gracianne Esponda le 21 janvier 1875, le jour de la signature de son contrat de mariage avec Jacques Harguindeguy lui aussi natif de Béhorléguy. Pour la première fois, on évoque un frère Jean "consanguin", cultivateur à Buenos-Ayres !

Dans les registres de l'agent Guillaume Apheça, déjà évoqués, je trouve bien un Jean Esponda de Béhorléguy embarqué le 5 décembre 1873 à bord de la "Gironde". Ce qui, si c'est bien lui, voudrait dire qu'il est parti deux semaines avant la mort de son père, lequel était déjà malade. Il est alors âgé de 26 ans et en toute logique devrait être l'héritier. Mais au Pays Basque, il n'était pas rare que les parents désignent un autre enfant pour leur succéder... 

Envie de nouveaux horizons, "enrôlement" par un habile "marchand de palombes", reniement par ses parents qui lui préfèrent sa soeur et ne le mentionnent même pas dans leur testament ? Quelles sont les motivations de Jean ? Nous ne le saurons jamais... Mais une autre surprise de taille nous attend à la lecture de l'inventaire et du contrat de mariage de la fille aînée !   

L'année 1874, c'est-à-dire celle qui suit le départ du fils aîné pour l'Argentine et la mort du père, voit mourir trois sœurs dans la maison Bordato. Catherine, la cadette de Gracianne, née en 1854, s'éteint à l'âge de 20 ans le 22 août. Le 20 septembre, c'est au tour de Dominica dite Domena, âgée de 17 ans (née en 1857) et trois jours après, le 23 septembre, Marie âgée de 15 ans (née en 1859) les suit au cimetière !

A quoi les trois sœurs ont-elles succombé ? Tuberculose, choléra ? (mais au vu des registres, il n'y a pas eu d'autres décès dans la commune cette même année laissant penser à une épidémie). Pire, un autre nom interpelle dans le récapitulatif des décès de 1874 à Béhorléguy, celui de Dominica Larralde, leur mère ! Veuve, âgée de 50 ans, on peut imaginer que Dominica meurt de chagrin le 19 novembre de cette même année. Quelle hécatombe !


Ainsi, lorsque Gracianne alors âgée de 23 ans se fiance avec Jacques Harguindeguy et fait procéder à l'inventaire de la maison, elle se retrouve chef d'une famille décimée. Son oncle maternel Martin Larralde devient tuteur des trois petites sœurs restantes (une est morte en bas âge), Marie-Gasté, Brigitte et une autre Gracianne, âgée de 13, 11 et 8 ans au décès de leur mère. Jean Chembero, cousin de leur père (et de mon aïeule Isabelle) est désigné comme subrogé tuteur.

Il arrive parfois que la généalogie réveille de petits et grands drames intimes enfouis sous de vieux papiers ... 

Illustration : Un jour gris dans la vallée, Angel Cabanas Oteiza;
Sources : AD 64 (état civil et archives notariales), Institut culturel basque (Eke-icb) pour les registes de Guillaume Apheça.     

samedi 17 juin 2017

A la claire fontaine m'en allant promener

La source n'était qu'à une centaine de mètres de la Maison Çubiat, je m'étais cachée à proximité de la fontaine et j'entendais les voix aiguës des femmes. C'était là me semblait-il que j'aurais le plus de chances de la croiser, sur le chemin du retour. Il ne me restait plus qu'à espérer qu'elle serait seule.

Elle apparut soudain au détour d'un sentier bordé de hautes fougères, marchant d'un bon pas malgré la lourde ferreta perchée sur sa tête qui la déséquilibrait quand son pied heurtait une pierre. Je tentais une approche : 

"Vous me faites penser à une Indienne ! 
- Vous venez d'Amérique ? Comme mon promis ?
- Non, pas ces Indiens-là, une Indienne d'Inde, c'est un pays lointain où j'ai vécu, en Asie. Les femmes portent des cruches en terre cuite sur la tête, comme vous votre seau. Ce sont elles qui sont préposées à la corvée d'eau.
- Ah bon !" Elle me détailla avec ses petits yeux noirs perçants et reprit :
- "Vous êtes bizarre, vous, en cheveux, et en pantalon comme un homme !
- Je viens du 21e siècle, c'est comme ça que les femmes s'habillent maintenant, enfin pas toujours...
- Ouille, ouille ama, on aura tout vu ! Et vous êtes qui ?
Ça va vous paraître bizarre mais je suis votre arrière-arrière-petite-fille, vous êtes la grand-mère paternelle de mon amatxi.
- N'importe quoi, je ne suis pas encore mariée !
- Je sais mais vous le serez bientôt. Vous êtes fiancée à Martin Etchemendy d'Arnéguy, un Amerikanoak qui vient de rentrer au pays. Et il est drôlement riche, dites donc ! Entre l'héritage de sa mère décédée au printemps dernier et la petite fortune qu'il a ramenée d'Amérique où l'on dit qu'il aurait aidé à trouver une mine d'or, il apporte plus de 4000 francs.
- Vous êtes bien renseignée, à croire que vous travaillez pour Maître Etcheverry, notre notaire de Saint-Jean-Pied-de-Port...
- J'ai mes sources, moi aussi.
- Ah, et maline en plus, vous me plaisez malgré votre tenue débraillée. Mais vous savez, je suis un beau parti moi, le meilleur à Mendive et à plusieurs lieues à la ronde !
- C'est exact, vous êtes Isabelle Esponda, la fille des maîtres de Çubiat et vous êtes fille unique. Mais vous avez pris votre temps, 32 ans pour un mariage en 1873, c'est tard. Finalement, vous êtes en avance sur votre siècle, c'est environ à cet âge que les filles se marient chez nous maintenant..."

Elle se tut, peut-être étais-je allée trop loin ? Et puis, sur le ton de la confidence :
- "Oui, je sais, peut-être un peu tard aussi pour avoir des enfants...
- Rassurez-vous, vous en aurez plusieurs, sinon, je ne serais pas là pour vous parler. Mon arrière-grand-père Jean sera le troisième, et il y en aura encore deux après.
- Je n'ai donc pas besoin alors d'aller aussi souvent à la Chapelle Saint-Sauveur sur la route d'Iraty ?
- Celle des légendes ? Evitez, vous risqueriez de rencontrer le Basajaun ! (rires).
- Vous faites vous-même une drôle de sorcière, Mademoiselle-je-sais-tout !
- Eh oui, c'est ça la généalogie, ça vous rend omniscient (rires)."

Haussant les épaules, Isabelle reprit sa démarche chaloupée vers la grande maison. En route vers son destin.

Lexique 
Ferrata : récipient en bois servant à porter l'eau sur la tête au Pays Basque (herrade au Béarn).
Amerikanoak ou amerikanuak, Basque qui a fait fortune aux Amériques (Ouest américain, Argentine, Uruguay, Chili) et revient au pays se faire construire une belle maison (ou épouser une héritière comme mon aïeul...).
Ama : maman, Amatxi, grand-mère (en Basse Navarre et au Labour).
Basajaun : littéralement "Seigneur de la forêt", homme corpulent, poilu et sauvage, assez terrifiant, protecteur des troupeaux.

Sources : AD 64 (état civil et archives notariales), mémoire familiale, Objets d'hier (pour la ferrata), paysbasque1900.com et aussi ici pour la légende de la chapelle St Sauveur.
Pour ceux que la mythologie basque intéresse, je recommande la trilogie du Baztan de Dolorès Redondo (traduit de l'espagnol, en poche chez 10-18).
Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante: je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.

lundi 22 mai 2017

Bertrand ou Jeanne ? Mystère autour d'une naissance

Mauricio Flores Kaperotxipi
La généalogie apporte chaque jour son lot de surprises. Récemment, j'ai repris une branche de la mienne et je suis tombée sur un acte de naissance d'une Jeanne Esponde, née le 11 juin 1809 à Mendive (Basses-Pyrénées) qui, de prime abord, m'a semblé être une soeur de mon arrière-arrière-arrière-grand-père Bertrand Esponde (sosa 42). En l'intégrant dans mon arbre généalogique, je me suis alors aperçue que tous les deux étaient nés ... le même jour !

J'ai tout de suite pensé à une naissance gémellaire mais j'ai eu beau regarder, je n'ai retrouvé que l'acte de naissance de Jeanne dans le registre. Pourtant, j'étais sûre d'avoir enregistré précédemment celui de mon aïeul Bertrand, et j'en avais gardé une copie. Puis, je me suis souvenue que les AD64 ont souvent deux registres, un départemental et un municipal. Il ne me restait plus qu'à comparer les deux... 

Première anomalie, la collection départementale compte douze pages et la municipale, quinze pour les registres 1807-1812 et, dans cette dernière, je trouve bien l'acte de naissance de "mon" Bertrand : même jour, mêmes témoins, même maison (très éclairante la mention des maisons au Pays Basque !) et même identité de la mère, Marie Çubiat (sosa 85), Quant au père, il est présent mais pas nommé. Deuxième anomalie, l'acte de naissance de Jeanne se trouve lui, dans le registre départemental. 

Enfin, les deux actes ne sont pas identiques, il existe des différences comme l'heure de naissance (deux heures de relevée pour Jeanne et cinq heures du soir pour Bertrand). En y regardant de plus près, je m'aperçois que sur l'acte de naissance de Bertrand, la déclaration des témoins fait état d'un enfant "femelle" et que le prénom semble avoir été effacé puis corrigé. Pour en avoir le coeur net, je décide de rechercher des traces de Jeanne postérieures à sa naissance. Rien. Ni acte de mariage, ni acte de décès.

Ma conclusion : comme je ne pense pas être en présence d'un phénomène transgenre, j'en déduis qu'au moment de son mariage avec Gracianne Ohyamburu (sosa 43) le 29 avril 1839 quand il a fourni son acte de naissance (comme indiqué dans l'acte de mariage), Bertrand Esponde a dû se rendre compte qu'il avait été déclaré "fille" et sous le prénom de Jeanne. Et c'est à ce moment-là que le maire a dû effectuer la correction du prénom (mais pas du sexe !) dans le registre de la commune sans que ceci ne soit reporté sur le registre départemental.

L'histoire ne dit pas dans quel état se trouvaient le père et ses voisins, les sieurs Bidegain et Ondartz (je les mentionne pour la postérité) quand ils sont venus déclarer ce 11 juin 1809 la naissance du nouveau-né !


Acte de naissance de Jeanne Esponde le 11 juin 1809

Acte de naissance de Bertrand Esponde le 11 juin 1809