samedi 21 décembre 2019

100 mots pour une (courte) vie : Jeanne-Noéline Eppherre (1896-1899)

Jeanne-Noéline doit sans doute son prénom à sa naissance un 25 décembre. Son père, Dominique Eppherre, 44 ans, agriculteur à Aussurucq, la déclare lui-même en mairie le jour de Noël 1896 à midi. La petite fille est née une heure plus tôt dans la maison d'Etcheberria. Dominique se fait accompagner par Dominique Irigoyen, 67 ans, instituteur en retraite, le père de son épouse Elisabeth.
Noéline est la neuvième d'une fratrie qui comptera onze enfants, mon grand-père Pierre (1901-1970) étant le dernier. Elle n'atteindra pas ses trois ans puisqu'elle décèdera à Pâques de l'année 1899, le 20 avril exactement.

J'ai écrit ce billet pour répondre à la question de Sophie Boudarel de la Gazette des Ancêtres : "Et vous, avez-vous des Noël.le dans votre arbre généalogique ?". A la génération suivante, dans une autre branche d'Eppherre, à Sauguis-Saint-Etienne, un autre village souletin. Jeanne-Noëlie Eppherre a eu plus de chance que sa cousine. Elle est née le 24 décembre 1927 au foyer de Jean Eppherre et Hélène Garicoix de Sauguis et est décédée à 85 ans le 8 novembre 2012 à Orthez, entourée de ses enfants et petits-enfants...

Sources : AD64, Gen&0,  Geneanet (colgnecminsee)
Illustration : Urandia (né en 1932 à Hendaye) "Nativité Eskualdun"
  
  
   

jeudi 12 décembre 2019

Mémoires d'Adrien

L'histoire suivante est une fois de plus à la croisée des chemins entre le sort des cadets, l'importance du nom de la maison et l'émigration massive des jeunes Basques au 19e siècle. L'un de mes précédents billets évoquait le destin d'André Eppherre, l'un des frères de mon arrière-grand-père Dominique Eppherre (1851-1928). Installé à Morón en Argentine, "Andrès" avait eu douze enfants avec sa femme Gabriela.

Leur cinquième enfant, une fille prénommée Maria, avait été portée sur sur les fonts baptismaux lors de son baptême en 1872 à Morón par un certain Adrian Eppherre que j'identifiais comme un frère cadet d'André mais dont je ne parvenais pas à retrouver la trace sur FamilySearch. Et voilà que récemment, je suis contactée sur Geneanet par une lectrice de mon blog qui s'avère être ... l'arrière-petite-fille d'Adrian !

Mariana va m'apporter l'explication que j'attendais, la raison pour laquelle je ne parvenais pas à retrouver Adrien devenu Adrian c'est tout simplement parce que ce dernier avait choisi de faire souche en Argentine sous le nom de Harismendy et non Eppherre ! Harismendy comme le nom de la maison qui l'avait vu naître le 28 mars 1848 à Sunharette.

A-t-il voulu couper les ponts avec son grand-frère Andrès ? Créer sa propre "dynastie" sous un autre nom ? Adrian Eppherre se marie le 9 août 1873 avec Marie-Anne Uthurry, elle-même Souletine et native de Sorholus, en la cathédrale Inmaculada Concepción de Moron, "fief" de son frère qui logiquement est son témoin. Puis, Adrian devenu Harismendy et Mariana partent s'installer à  300 kilomètres de là, à Tapalqué, où leur premier enfant Clementina naît quatre ans plus tard. Elle sera suivie de quatre frères et sœurs.

Au recensement national de 1895, Adrian Harismendy, 46 ans, est commerçant, domicilié en ville (Cuartel 1, poblacion urbana) de Tapalqué. La famille se compose de sa femme Mariana Ythurry (!) 42 ans et de leurs quatre enfants Clementina, 17 ans, Bernardo, 14 ans, Amelia, 12 ans et Luisa, 4 ans. Un petit Adrian fermera la marche un an plus tard en 1896.

Ma correspondante argentine et pas si lointaine cousine (nos arrière-grand-pères étaient frères), Mariana Larcamón, est la petite-fille d'Amelia Harismendy, tout comme l'était la jeune "disparue" des années noires de l'Argentine dont j'ai fait récemment le portrait. Grâce à elle, je reconstitue cette branche argentine totalement ignorée jusque là parce qu'un cadet Basque avait préféré le nom de sa maison à son patronyme originel ! 

Je dédie ce billet à Mariana Larcamón dont c'est l'anniversaire aujourd'hui ! Feliz cumpleaňos, Urte buru on, prima !     

Illustration : Ramiro Arrue y Valle
Sources : AD64, Gen&0, FamilySearch, Geneanet et mémoire familiale.

vendredi 6 décembre 2019

100 mots pour une vie : Amelia "Amelita" Ercilia Larcamón (1942-1978 ?)

Amelita naît le 3 janvier 1942 à La Plata en Argentine au foyer de Jorge Larcamón, douanier et de Judith Garcia. Sa grand-mère paternelle dont elle porte le prénom, Amelia Harismendy, est en fait une Eppherre mais son père Adrien avait choisi en émigrant en Argentine de prendre le nom de sa maison natale en Soule, Harismendia.
En 1977, Amelita milite au PCML* comme son compagnon Luis Eduardo Torres, cheminot, et ensemble, ils ont deux enfants. Le 6 décembre, ils sont arrêtés par la police militaire puis en avril 1978, transférés dans un centre de détention clandestin. On ne les reverra jamais...  

*Partido Comunista Marxista Leninista 

Sources : AD64, FamilySearch,
Blog du Proyecto de Recuperación de la Memoría Centro Clandestino de Detención, tortura y exterminio "Club Atlético"

samedi 16 novembre 2019

Celle qui nous a transmis son nom

Elle était assise sur un banc de pierre, le regard tendu vers la ligne de montagne se détachant derrière le clocher de l'église. A vue de nez, elle devait avoir à peu près mon âge mais paraissait beaucoup plus usée par les années. Cette fois-ci, j'avais décidé de ne pas finasser, de jouer cartes sur table.

"Egun on ! Vous êtes Catherine Eppherre ?
- C'est mon nom. Et vous ?
- Je suis Marie, votre descendante à la huitième génération. Vous savez, je rêvais de vous rencontrer. Car c'est à vous que je dois mon nom. Et qu'elle n'a pas été ma surprise de voir qu'à trois siècles d'écart, il s'orthographiait toujours de la même façon ! 
- Oh, vous savez, moi je n'ai jamais appris à écrire.
- Oui, je sais. Qu'est-ce que ça peut m'agacer de lire dans les actes notariés : la femme autorisée et congédiée par son mari et de le voir signer à votre place ! Mais au bout du compte, c'est vous qui avez gagné.
- Comment ça ?
- Et bien, non seulement vous êtes l'héritière de la maison Eppherre de Barcus mais c'est votre nom à travers elle que vous nous avez transmis alors que nous aurions dû prendre le patronyme de votre mari Jean Saru. 
Ce nom, on le porte fièrement jusqu'à maintenant. Par exemple, mon père, Dominique Eppherre, est l'exact homonyme de votre grand-père et de votre fils aîné. D'ailleurs, c'est une tradition qui a perduré jusqu'au milieu du XXe siècle, tous les aînés se prénomment Dominique. Avez-vous une idée du nombre de Dominique Eppherre dans mon arbre ? Vingt-et-un !
- Comment vous savez tout ça, vous ?
- Je suis généalogiste, enfin ... amateure. Mais j'ai quand même coécrit un livre sur le sujet car la généalogie basque, c'est drôlement compliqué ! Tenez, vous par exemple, vous êtes doublement mon aïeule : je descends à la fois de votre fils aîné Dominique par son cadet Simon Eppherre dit Recalt, et de votre cadet, François Eppherre dit Iriart. Nous savions que le berceau de la famille était à Barcus mais sans vous, nous ne serions pas là ! 
- Vous m'en direz tant !
- Ah, j'ai remarqué autre chose à propos de votre mère Marie Satçoury qui a épousé en secondes noces le frère aîné de votre mari.
- Ne m'en parlez pas, quelle peau de vache, celle-là ! Savez-vous qu'elle nous a traînés chez le notaire Carricondo ? Prétextant qu'elle s'était chargée de l'administration de la maison Eppherre pendant six ans avec son deuxième mari Dominique qui, en effet, est le frère aîné de mon mari Jean, elle a demandé sa part de l'héritage. Nous avons dû mon mari et moi leur verser 225 livres en argent comptant ! Mais bon, j'aime beaucoup ma demi-sœur, Marie Saru, alors je pardonne à notre vénale de mère, que Dieu ait son âme !
- Demi-sœur qui est aussi la nièce de votre mari et qui à son tour deviendra héritière de la maison de Saru et donnera son nom à une autre lignée de Barkostars
- C'est vrai, je n'y avais pas pensé. En somme, c'est nous les femmes qui avons tout fait ici !" conclut Catherine, en partant d'un grand éclat de rire. Sur ce, elle arrange quelques mèches échappées de son burukoa, époussette son tablier, fait claquer ses sabots, se lève et s'en va en me faisant un petit signe de la main.

Je la regarde s'éloigner, cette aïeule qui avait 10 ans à la mort de Louis XIV, n'aura connu que l'Ancien Régime et qui pourtant, à elle seule, illustre un modèle plutôt moderne : la famille matrilinéaire basque...

Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante : je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.

Lexique :
Egun on : bonjour (se prononce egoun oun en souletin)
Barkostars : habitants de Barcus (Barkoxe en basque)
Burukoa : petit filet en dentelle blanche recouvrant les chignons de nuque

Sources : AD64 (Minutes notariales)
Illustration : Valentin de Zubiaurre (1879-1963)



mercredi 16 octobre 2019

Retour d'expérience

Le guide que nous avons coécrit avec Isabelle Louradour, Présidente de l'association de généalogie basque Gen&O est paru le 4 octobre. Une dizaine de jours après sa sortie, j'aimerais partager avec vous ce "retour d'expérience", ma première en tant qu'auteure. Un jour, quelqu'un a dit devant moi : pour réussir sa vie, il faut avoir eu un enfant, planté un arbre et écrit un livre. 

J'ai fait les trois même si, soyons modeste, le sapin planté au lendemain d'un réveillon bien arrosé qui coïncidait avec mon quarantième anniversaire a été coupé depuis, et si ce guide qui se veut avant tout pratique ne sera jamais un best-seller et ne prétend à aucun prix littéraire. Quant à avoir eu deux enfants, si je fais un parallèle avec mon arrière-arrière-grand-mère qui en eut quatorze, ça n'a rien d'un exploit !

Pour expliquer la genèse de ce livre, tout a commencé par une rencontre. La directrice de collection chez Archives & Culture, elle-même auteure de nombreux guides que les généalogistes connaissent bien, m'a proposé l'écriture de ce troisième opus régional (après les Corses et les Bretons). Pourquoi les Basques ? A cause d'une identité forte et d'une généalogie compliquée par le rôle de la maison et de la transmission du patrimoine à travers les aînés garçon ou fille, ce qu'on appelle la primogéniture (laquelle ravit mon côté féministe).

En tant que généalogiste amateure qui avait jusque là surtout procédé de manière empirique, se servant de ses recherches pour nourrir ce blog, si je me suis sentie flattée par cette proposition, j'ai aussi hésité. C'est une chose de raconter des histoires d'ancêtres sur un support numérique que l'on peut modifier à loisir, c'en est une autre de produire un viatique fiable imprimé sur un support papier !

Et puis, il y a tout juste un an, je déjeunais à Bayonne avec Isabelle Louradour et lui parlais de ce projet quand elle lança cette petite phrase : "Et si nous l'écrivions ensemble ?". Et même si je n'avais jamais pensé écrire à quatre mains, j'avoue que je me suis dit que c'était "la" bonne idée. Isabelle, avec son expérience de généalogiste professionnelle et de présidente d'une association qui fait un remarquable travail d'indexation dans les Pyrénées-Atlantiques, serait le binôme parfait.

Je mentirais en disant que toute cette aventure fut "un long fleuve tranquille". Il a fallu accorder nos pas, harmoniser nos styles, faire valoir nos points de vue en tenant compte de nos caractères bien trempés de femmes basques (!). Mais nous avons pu compter sur notre éditrice qui nous a accompagnées avec bienveillance, suggérant ici, modifiant là, et nous faisant profiter de son expérience. Qu'elle en soit remerciée !

Aujourd'hui, ce guide existe et nous en sommes fières. Nous avons, me semble-t-il, évité les écueils du hors-sujet, avons su donner aussi bien des clés pour entamer des recherches que des pistes pour aider à résoudre les fameuses "épines généalogiques" que chacun rencontre un jour. Nous l'avons voulu émaillé d'anecdotes et d'histoires vécues par nos ancêtres basques pour le rendre plus vivant.

Ces quelques jours qui ont suivi la parution du guide m'ont personnellement apporté de nombreuses sources de satisfaction : le voir en rayon chez Mollat* à Bordeaux, apprendre que la Médiathèque de Bordeaux venait de le commander, le découvrir sur les principaux sites de ventes de livres en ligne, savoir que le Mag de Sud-Ouest allait prochainement lui consacrer un article, que mes cousins américain et chilien en avaient fait la promotion sur leurs réseaux respectifs de diaspora basque, etc.

Mais mon plus grand bonheur restera d'avoir vu l'œil de mon père friser lorsque je lui ai remis son exemplaire dédicacé ...     

* Mollat est la plus grande librairie indépendante de France. Créée en 1886, c'est une véritable institution bordelaise !

samedi 7 septembre 2019

100 mots pour une vie : Jean-Pierre Irigoyen (1877- ?)


Le quatorzième et dernier enfant de la fratrie Irigoyen, Jean-Pierre, naît le 22 octobre 1877 alors que ses parents sont déjà âgés de 48 et 44 ans et que ses aînés ont plus de 20 ans. Lors du recensement de 1901 à Aussurucq, c’est un jeune homme célibataire qui vit chez sa sœur Elisabeth et son mari Dominique. Sa trace se perd ensuite mais, d'après la mémoire familiale, il serait parti comme berger en Argentine ou peut-être en Uruguay. Si c’est bien lui, il aurait embarqué à bord du « Ceylan » à Bordeaux le 17 octobre 1930. Depuis, rien.

Sources : AD64, Cemla
Illustration : Simeon Oiz Mendiko Artzaina (1937)

jeudi 5 septembre 2019

100 mots pour une vie : Maddie Irigoyen (1853-1871)

Aînée d’une famille de quatorze enfants, Marie dite « Maddie » Irigoyen, aurait pu être l’héritière de la maison Laxalt d’Aussurucq où elle naît le 17 février 1853. Elle va pourtant choisir une autre voie ou plutôt répondre à une voix, celle de son Seigneur. Entrée dans la Congrégation des Filles de la Croix à Bidache en novembre 1869, elle prend le nom en religion de Sœur Marie Nicéphore. 
Elle a à peine le temps de prononcer ses vœux, le 25 septembre 1871, qu'elle meurt brusquement le 23 novembre, à seulement 18 ans. Elle est inhumée au cimetière de Saint-Jean-Pied-de-Port.  

Sources : AD64
Illustration : Gallica.Bnf
Remerciements à Sœur Clotilde Arrambide de la Congrégation des Filles de la Croix à La Puye (86) pour ses précieuses informations sur Sœur Marie Nicéphore.

samedi 20 avril 2019

Les deux testaments d'Anne D'Etchahon

En ce 27 avril 1786, Maître Pierre Darhan, la petite trentaine, demande à son premier clerc de lui apporter le testament établi par son défunt père de la Dame Anne D'Etchahon, veuve d'André Darhanpe, marchand et ancien jurat de Tardets. Malgré l'habitude, il a toujours un mouvement de recul au moment de déchiffrer les pattes de mouche de celui dont il a hérité la charge.

La famille Darhanpe est bien connue dans cette petite bourgade de Haute-Soule. Les aînés ont tous fait de beaux mariages, à l'exception du cadet Grégoire qui a choisi d'entrer dans les ordres et du benjamin, Jean-Pierre qui se destine à une carrière militaire. Le jeune notaire royal n'a encore jamais rencontré Madame Darhanpe mère mais il sait qu'elle passe pour une femme de caractère. Il relit le précédent testament datant de cinq ans auparavant, affûte sa plume, la met dans sa besace et se dirige vers le bourg mitoyen de Sorholus. 

Moi aussi, je suis sur les traces depuis longtemps de cette aïeule qui m'a donné du fil à retordre et je décide donc d'emboîter le pas de l'homme de loi. Les minutes notariales ne faisant pas mention de l'âge des parties en présence et les registres de l'Ancien Régime de la Soule étant très lacunaires voire quasi inexistants, je ne connais que par bribes la biographie d'Anne D'Etchahon. Je sais qu'elle est la fille de Martin, propriétaire de la maison d'Etchahon d'Abense-de-Haut et d'Engrace d'Etchecopar dite d'Argat, surnommée "Grachiqui". 

D'après mes déductions, Anne a dû naître vers 1727 à Abense-de-Haut. Elle s'est mariée une première fois avec un certain Bernard de Galtier, décédé prématurément sans descendance mais qui lui a laissé deux maisons, celle de Galtier et celle d'Appeceix. Ce nom dont était affublée mon ancêtre Anne Darhanpe dite d'Appeceix m'a longtemps laissée perplexe jusqu'à ce que je comprenne que sa mère lui avait fait cadeau de cette maison. Mais n'anticipons pas. 

Celle que le notaire s'apprête à rencontrer, moi sur ses talons, a presque 60 ans et ne nous reçoit pas dans sa maison d'Arhanpé de Tardets où elle habite mais dans une autre demeure cossue de Sorholus. Une servante nous introduit auprès de la malade alitée. Elle se croit à l'article de la mort mais moi qui lis dans les grimoires, je pourrais la rassurer, elle vivra encore dix-sept ans. Elle serait sûrement surprise d'apprendre que la date de son décès sera même transcrite selon un calendrier républicain !

En effet, trois ans avant la Prise de la Bastille, pas sûr que la Dame Darhanpe n'ait conscience des soubresauts qui agitent le peuple ni du destin qui attend son benjamin, futur chef des Chasseurs basques dans le conflit qui verra s'affronter les Conventionnels français et les Royalistes espagnols. Pour l'heure, ne me prêtant aucune attention, elle dicte ses dernières volontés au notaire. Bien qu'elle révoque le précédent testament, les changements entre les deux versions me semblent minimes.

Son légataire et principal héritier est son fils aîné, Pierre Darhanpe, négociant et futur maire de Tardets qui lors du précédent testament a déjà reçu la coquette somme de 12000 livres en faveur de son mariage avec Marianne Despeldoy. Elle lègue 150 livres à sa fille aînée, Anne, remariée entre temps à Jean Duthurburu* laquelle, au moment de son premier mariage avec Jean Dastugue, avait reçu la maison d'Appeceix.

Les cadets Grégoire et Jean-Pierre, et Engrace, femme d'Aguer de Licharre se verront remettre également 150 livres et son autre fille Marie, épouse de Pierre de Rospide de Sorholus, 450 livres. A mon humble avis, tout ceci ne me paraît guère équitable mais je suppose qu'il y a eu des dots au moment des mariages des trois filles et des legs dans le testament du père.

Au moment de se rapprocher du Seigneur, Anne veut que la somme de 205 livres soit immédiatement employée après son décès pour célébrer des messes pour le repos de son âme. Elle y ajoute 18 livres pour l'église Sainte-Luce de Sorholus, 15 livres pour les nécessiteux du bourg de Sorholus, et 12 livres à destination de la Confrérie du Saint-Sacrement.

Le notaire lui fait ensuite lecture du testament avec explications en "langue vulgaire basque", signe et fait signer deux témoins, l'un de Tardets et l'autre de Sorholus. Mon aïeule ne signe pas, elle ne sait pas écrire. Quant à moi, j'observe une dernière fois la scène à la dérobée avant de m'éclipser. 

*Jean Duthurburu est le fils de Grégoire Duthurburu que j'avais rencontré lors d'un précédent RDVAncestral.

Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante : je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.

Sources : AD 64 (Etat civil et minutes notariales), Gen&OGeneanet
Illustration : Mauricio Flores Kaperotxipi "La dame à l'éventail"

dimanche 10 mars 2019

De Geüs à Chascomùs ... et plus

En octobre dernier, j'ai fait partie du "comité d'accueil" d'Alberto, un Argentin de retour au pays sur les traces de ses ancêtres. Alors que nous faisions les présentations, il me fit remarquer qu'il connaissait des Eppherre chez lui, à Tres Arroyos. La ville ne fut fondée qu'en avril 1884 aussi me fallut-il quelques temps avant de comprendre quelle branche s'y était établie.

Il existe sur Geneanet une fonctionnalité très pratique qui permet de savoir où les porteurs de son nom de famille sont installés. J'avais repéré des Epherre à Chascomùs une ville plus ancienne et plus proche de Buenos-Ayres, je décidai de commencer par là. Assez vite, je trouvai l'acte de mariage d'un Jean Eppherre et d'une Caroline Chamoux le 28 février 1857 dans les registres paroissiaux de Nuestra Señora de la Merced de Chascomùs.

Ce Jean-là venait d'une branche cadette des Eppherre de Barcus installée à Geüs d'Oloron que j'appelle les "Béarnais" alors qu'ils doivent se sentir aussi Basques que leurs cousins Souletins voisins. Mais passons, cette branche allait m'occuper pendant un bon bout de temps et je ne m'en doutais pas ...

Première surprise, alors que jusque-là j'avais noté une certaine tendance à l'endogamie chez les candidats à l'émigration, voilà que notre petit basco-béarnais se marie à vingt-cinq ans avec une jeune fille de vingt ans originaire ... de Haute-Savoie. Encore merci à Geneanet car c'est ainsi que j'ai pu connaître la date et le lieu de naissance de Caroline Chamoux à Metz-Tessy (74). L'arbre en ligne notait qu'elle avait émigré en Argentine avec un frère et une sœur sans plus de précisions.

Sauf erreur ou plutôt omission, Juan et Carolina Epherra comme ils se feront désormais appeler, ont eu treize enfants, cinq fils et huit filles entre 1859 et 1885, tous baptisés à Chascomùs sauf les deux derniers, l'une à Ayacucho et l'autre à Juarez. Dans les années 1890, on retrouve d'ailleurs la famille à Coronel Dorrego, une autre "ville nouvelle" de l'état de Buenos-Ayres. 

Chose rare dans une fratrie aussi nombreuse, dix d'entre eux vont parvenir à l'âge adulte et se marier.  A Chascomùs, ils vont fréquenter les Amestoy dont le père Guillermo (Guillaume) est originaire de Iholdy. S'en suivront quatre mariages entre les deux familles. Juan Epherra né en 1862 épousera Maria Vicenta Amestoy tandis que ses sœurs Eusebia, Carolina et Claudina lieront leur destin à trois frères Amestoy,  Graciano, Juan Pedro et Guillermo.    

Et tous ces mariages à partir de 1891 seront célébrés ... à Tres Arroyos ! Dans l'état actuel de mes recherches, toujours en cours, je recense une cinquantaine de petits-enfants tous ou presque baptisés en l'église Nuestra Señora del Carmen de Tres Arroyos dont la moitié sont des Epherra. Les derniers recensés étant des années 1915/1920, ce sont à n'en pas douter les aïeux des connaissances d'Alberto !

Nouvelle que je vais m'empresser de lui rapporter...

Sources : AD64, Gen&O, FamilysSearch, Geneanet. 
Illustrations : La gare de Chascomùs en 1875 (Wikipedia

samedi 16 février 2019

Quand un oncle de 52 ans épouse sa nièce de 19 ans

Ce rendez-vous ancestral me conduit à nouveau à Bordeaux. Mon intention était de rendre visite à mon aïeule Anne d'Etchahon épouse d'André Darhanpe dont j'avais trouvé non pas un mais deux testaments mais les événements en ont décidé autrement. La panne du site des AD64 qui se prolonge ne me permettant pas de vérifier une ou deux sources, mon attention s'est portée ailleurs.

Un curieux acte de mariage datant de 1822 me met sur les traces de Anne ou Marianne Darhanpe, née le 10 septembre 1756 à Oloron-Sainte-Marie, fille de Joseph Darhanpe, facturier à Oloron et frère cadet d'André, évoqué plus haut. Mon aïeule est donc la tante par alliance de cette personne et j'ignore si elles ont beaucoup frayé de leur vivant.

Mais faisons un saut dans le temps et plongeons-nous dans le Bordeaux de cette première moitié du 19e siècle. Nous sommes en pleine monarchie de Juillet, Louis-Philippe est sur le trône de France depuis trois ans et la dame à laquelle je m'apprête à rendre visite sans y avoir été invitée (!) est une veuve de 77 ans, rentière de son état. Elle vivra encore deux ans mais ça, je ne suis pas censée le lui dire...

J'emprunte la Porte Dijeaux et traverse la place Gambetta qui ne s'appellera ainsi que dans une cinquantaine d'années mais est déjà considérée comme le centre de la ville, une "borne zéro" y sera même installée d'ici peu. Aujourd'hui comme hier, elle est bordée d'immeubles cossus de la deuxième moitié du 18e dont les façades s'ornent d'élégants mascarons. Au nord-ouest, elle débouche sur la rue du Palais-Gallien. 

Je passe devant l'Hôtel des Monnaies qui n'est pas encore la Grande Poste de Bordeaux et me dirige d'un pas décidé vers le numéro 82 de la rue du Palais-Gallien. Un hôtel particulier bâti sur trois niveaux qui ne sait pas encore qu'il sera transformé au 21e siècle en une "boutique-hôtel" très tendance se dresse devant moi. Un majordome stylé en livrée m'introduit dans un petit boudoir et s'éclipse pour annoncer ma visite impromptue.

Perdue dans ses dentelles moirées, les cheveux blancs dépassant d'un bonnet sans âge comme elle,  Marianne, comme elle souhaite qu'on l'appelle, veuve Abadie, me toise d'un air peu amène. Sa bonne éducation reprenant le dessus, elle m'invite néanmoins à prendre place dans un fauteuil Louis XVI aux couleurs passées dont l'inconfort n'invite pas à s'éterniser. La conversation s'engage enfin.

"Je suis désolée de vous importuner Madame, mais je fais des recherches généalogiques et j'ai vu votre signature au bas d'un acte de mariage de 1822 qui m'a interpelée. Il s'agissait du mariage de votre frère cadet Joseph qui se faisait appeler Darhanpe-Casamayor...
- Du nom de ma mère, me coupe-t-elle aussitôt.
- Oui, je sais que votre père était de Tardets et votre mère Marie Jeanne Casamajor-Pourilhon, d'Oloron-Sainte-Marie. Et donc, votre petit frère Joseph vivait ici même avec vous quand il a contracté mariage avec euh, ... votre nièce ?
- C'est exact, on vous aura bien renseignée. Ma nièce Marie Claire, orpheline de sa mère, a épousé en premières noces mon frère, son oncle paternel donc. Mon frère Jean qui s'était remarié en 1813 a donné son accord comme vous le savez probablement. C'était une façon de faire bénéficier la pauvre petite d'une situation. D'ailleurs, le mariage fut bref, moins de trois ans après, mon frère Joseph nous quittait pour des Cieux plus cléments.
- J'ai vu que le mariage n'avait pas, euh, donné d'enfants ?
- Vous comprenez bien que nous ne parlons pas de ces choses-là mais c'est exact, Marie Claire n'a pas eu d'enfants ni avec son premier mari ni avec le second d'ailleurs, un avocat bordelais qu'elle a épousé en 1828. La malheureuse est morte moins de cinq ans plus tard, que Dieu dans Sa grande miséricorde ait pitié d'elle.         
- Oui, je sais, elle est décédée dans sa trentième année à Oloron. Savez-vous de quoi ?
- Non, je l'ignore, consomption j'imagine. Je n'ai plus beaucoup de contact avec ma famille de là-bas. Mon défunt mari nous a quittés il y a plus d'un demi-siècle, sous l'Ancien régime, un autre monde... Et cela fait si longtemps que je vis à Bordeaux...".

Marianne n'a touché ni à son thé ni à ses canelés. J'en aurais bien repris mais je sens que je l'importune avec mes questions, il est temps de prendre congé. 

Je décide de profiter du beau temps pour aller voir à quoi ressemblaient les ruines du Palais-Gallien à cette époque, je sais qu'à la fin du 18e siècle, la municipalité endettée avait décidé de le lotir et de vendre des terrains, les nouveaux propriétaires s'empressant de le piller en utilisant ses belles pierres blondes qui dataient pourtant de l'époque gallo-romaine ! Son classement n'interviendra qu'en 1840.

Chemin faisant, je réfléchis à ce que la vieille dame m'a confirmé. Les mariages arrangés y compris au sein d'une même famille ne choquaient personne. D'ailleurs, à l'acte de mariage était jointe une dispense de degré de parenté octroyée par ordonnance royale et enregistrée par le tribunal d'instance de Bordeaux. Autres temps, autres mœurs... 

Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante : je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.

Illustration : Joseph Basire "Vue des ruines du Palais-Gallien", 1796, aquarelle. In "Le Palais-Gallien de Burdigala à Bordeaux" par Philippe Cloutet   
Sources : Gen&O, Filae, 33-bordeaux.com

dimanche 3 février 2019

Biziak oroit hiltzeaz (III)

Ceux qui me connaissent savent que je suis plutôt "cartésienne". Je ne crois pas trop aux "forces de l'esprit" comme disait un ancien Président, mais je dois admettre que les recherches autour de cette famille m'ont laissé un sentiment de malaise, à la limite de la fascination morbide. Le fait que je ne trouve aucune issue optimiste à cette histoire me perturbait.

Et puis par la magie des réseaux, un premier correspondant m'a fourni la date de décès de Jean Pierre ce qui, dans un premier temps, a encore contribué à me décourager. Sa fiche matricule nous apprenait que le pauvre garçon, petit - il mesurait 1m54 - et de mauvaise conformation (sic), avait été ajourné pour "faiblesse" et était décédé le 3 décembre 1893 à Talence. Fermez le ban. 

Mais si l'armée n'en avait pas voulu, il n'en fut pas de même d'une Demoiselle Marie Jeanne Julie Cassin, une parisienne de 24 ans, qu'il rencontra à Talence. Le jeune couple se marie dans cette banlieue de Bordeaux le 28 juillet 1890. Il faut dire que le temps pressait car un petit Jacques Emile pointait son nez le 27 septembre, à peine deux mois après la cérémonie.

J'ignore ce que faisait le couple, domicilié rue des Visitandines (une rue qui n'existe plus à Talence) mais lui est employé, elle ouvrière, peut-être dans ces usines comme la Biscuiterie Olidet ou la Conserverie Duprat et Durand [photo] très actives en cette fin de 19e siècle industrieux. Avant que la mort ne frappe encore à leur porte, ils auront le temps d'avoir un autre enfant, une petite fille.

Son père aura profité un peu de la petite Jeanne Berthe Amélie née le 8 août 1892 à Talence. Les mentions marginales de son acte de naissance nous renseignent un peu sur sa vie : elle se marie en 1922 avec un monsieur Jean Allard à Saint-Julien-Beychevelle dans le Médoc où elle décèdera le 15 novembre 1947. En revanche, aucun renseignement sur l'acte de son frère Jacques dont je n'ai pas retrouvé non plus le livret militaire.

Tous comptes faits, la vie s'est tout de même imposée dans le destin tragique de cette famille dont je me plais à penser qu'elle aura eu des descendants...

Mais le plus troublant restait à venir. Un autre internaute m'a adressé un avis de décès paru dans la "Petite Gironde" sur le site RetroNews, grâce auquel j'ai découvert que la mère de Jean Epherre, née Catherine Syndicq-Peyronne à Aramits, s'était rapprochée de la famille et qu'elle aussi était décédée à Bordeaux fin 1882. Que cette grand-mère béarnaise vienne prêter main forte à cette famille en détresse m'a plutôt rassurée.

Et quelle n'a pas été ma surprise de découvrir que son adresse était à quelque chose près ... la même que la mienne aujourd'hui ! La famille habitait ma rue ou pour être exacte, le prolongement de celle-ci. De là à penser que ces fameuses forces de l'esprit auxquelles j'avais du mal à croire se soient invitées dans ce récit ... je vous laisse juges.  
[Fin]

lllustration : Usine Duprat & Durant (conserveries et salaisons), Talence, Gironde (delcampe.net)
Sources : AD 64, AD 33, Archives Départementales de Bordeaux-Métropole, Gen&O, Filae.
Bibliographie : Dominique Dussol, "Saint-Genès-Nansouty", Ed. Le festin (novembre 2018) 

samedi 2 février 2019

Biziak oroit hiltzeaz (II)

Quatre enfants sur sept disparus prématurément, il me restait l'espoir qu'un ou deux soient parvenus à l'âge adulte. Dans le registre de l'année 1883, j'apprends que la cinquième de la fratrie, Catherine Brigitte qui allait fêter ses 10 ans en septembre, décède au premier jour de l'été. Les déclarants sont des octroyens comme son père et voisins de la famille qui habite alors 53 rue Bertrand de Goth. 

L'acte nous révèle également que sa mère n'est plus de ce monde. Marie Jeanne Raguin Castagné est donc décédée entre novembre 1877, date de la naissance de la petite Catherine Jeanne, et le 21 juin 1883. Je cherche la trace de son décès à Bordeaux, y compris dans les autres quartiers, et même à Aramits et à Lanne dans ce Béarn où la famille avait des attaches. En vain. 

Deux naissances une dizaine d'années plus tard m'apprennent que l'aînée des enfants, prénommée comme sa mère, Marie Jeanne, a accouché par deux fois de père "non nommé". Le 17 décembre 1886, une petite Félicité Marthe Marie est déclarée par une sage-femme de la rue Sainte-Catherine. En mai suivant, Marie Jeanne, 20 ans, la reconnaît. Elle est alors tailleuse et vit 19 rue du Cerf-volant.

En avril 1888, c'est au tour d'un petit garçon, Jean Louis, mis au monde par la même sage-femme mais toujours sans père. Mon empathie à l'égard de cette famille va être mise à rude épreuve car trois mois plus tard le bébé meurt au 168 route de Bayonne, là où se trouvait l'Hôpital des Enfants de Bordeaux (à deux pas de ma maison !).

A son tour, Marie Jeanne dont la dernière adresse connue est le 50 rue Bertrand de Goth, tout près de dudit hôpital, décède le 6 février 1891. Elle avait 23 ans. Son acte de décès mentionne cette fois que ses deux parents sont morts avant elle ! Où et quand est mort Jean Epherre ? Forcément entre juin 1883 et février 1891. Je cherche...

Je me raccroche alors désespérément à la destinée de la petite Félicité. Orpheline de sa mère et de ses grands-parents, née de père inconnu, elle a probablement était recueillie parmi les "enfants assistés" de l'hôpital de la route de Bayonne.

"A une époque où l'abandon et l'errance des enfants livrés à eux-mêmes étaient loin d'être éradiqués, la fonction d'hospice était indissossiable de celle de l'hôpital" écrit Dominique Dussol dans son récent ouvrage "Saint-Genès-Nansouty". Ainsi, peut-on lire dans l'"Annuaire du tout Sud-Ouest" en 1890 que l'établissement était destiné à recevoir les enfants trouvés, les abandonnés, les orphelins, les enfants de détenus, de parents malades et un certain nombre d'indigents"

Hélas, Félicité qui portait bien mal son prénom meurt au même endroit que son petit frère le 21 juillet 1892 à l'âge de 5 ans et demi. Cette branche embryonnaire n'aura donc rien donné non plus. Si vous avez bien compté, il reste un seul rejeton de cette famille sur laquelle le sort s'est acharnée. C'est le deuxième, un garçon baptisé Jean Pierre, né le 14 juillet 1869 à Bordeaux.

De lui, je ne sais rien. Pour compliquer la tâche, le prénom Jean Pierre est très répandu parmi les Eppherre. On le trouve dans toutes les branches et toutes les générations. Qu'Adolphe ou Camille ou même Jean Louis soient parvenus à l'âge adulte m'aurait arrangé mais ce n'est pas le généalogiste qui commande au destin !

Il ne me reste plus qu'à espérer qu'un jour un descendant de ce Jean Pierre Epherre bordelais se manifeste... Un fol espoir ? 
[A suivre]

La citation du titre de ces deux billets se retrouve dans de nombreux cimetières basques. Elle signifie "Vivants, souvenez-vous de la mort." Mort dont je sentais parfois la présence au-dessus de mon épaule alors que j'écrivais ces deux billets... 

lllustration : Hôpital des enfants de Bordeaux, service des Enfants assistés.
Sources : AD 64, AD 33, Archives Départementales de Bordeaux-Métropole, Gen&O,Filae.
Bibliographie : Dominique Dussol, "Saint-Genès-Nansouty", Ed. Le festin (novembre 2018) 

vendredi 1 février 2019

Biziak oroit hiltzeaz (I)

Mon intention était d'écrire un billet léger pour marquer le quatrième anniversaire de ce blog mais la généalogie étant ce qu'elle est, il n'est pas facile de savoir à l'avance où nos recherches vont nous mener. C'est ce qui m'est arrivé cette semaine, je me suis intéressée à une famille établie à Bordeaux, j'ai commencé à tirer le fil d'un récit, acte après acte, pour me retrouver dans une histoire digne de Zola !  

Alors que je cherchais à compléter une branche du côté du Béarn, celle des Epherre dit Socouet, deux actes de décès vers la fin de années 1870 attirèrent mon attention. A Lanne-en-Barétous, deux enfants de la même fratrie décédaient à un mois d'intervalle dans deux maisons différentes du village. Dans les deux cas, c'est leur père "nourricier" qui déclarait le décès de l'enfant.   

Fin décembre 1877, la mort du petit Camille, deux ans, était rapportée par le dénommé Honthaas, meunier, et le 30 janvier 1878, un maçon du nom de Jean Irigoyen venait signaler en mairie celle d'une petite Anne (Catherine Jeanne sur son acte de naissance), âgée de trois mois, soeur du premier. Dans chaque cas, il était précisé que l'enfant était né à Bordeaux au foyer de Jean Epherre, employé d'octroi dans cette ville, et Marie Jeanne Raguin Castagné, ménagère, son épouse.

Avec cette triste découverte, je n'étais hélas pas au bout de mes surprises ! Je commençais par retrouver l'acte de mariage du couple à Aramits, le 6 mars 1866 et à partir de là, arrivais à reconstituer la fratrie dont tous les actes de naissance sont en ligne sur le site des Archives de Bordeaux Métropole. Sept enfants, quatre filles et trois garçons, la constituaient, tous nés à Bordeaux, section 3, entre 1867 et 1877. 

Grâce à Filae et au travail d'indexation d'une association béarnaise*, je m'aperçus assez vite que deux aînés avaient perdu la vie dans les mêmes circonstances que leurs cadets, alors qu'ils étaient eux aussi placés en nourrice mais cette fois à Aramits, village natal de leur mère ! Le 8 février 1872, la mairie avait enregistré le décès d'un petit Adolphe de 15 mois dans la maison d'un certain Louis Constantin et le 11 octobre 1873, c'était au tour de sa sœur Sophie âgée de 20 mois, placée également.  

La question que je me pose est de savoir pourquoi les parents avaient mis leurs enfants en nourrice, la mère étant dite "ménagère", autrement dit, femme au foyer ? Etait-elle malade, avait-elle des problèmes qui l'empêchaient de s'occuper d'eux ? Quant aux enfants décédés avant leur deux ans, étaient-ils porteurs d'une maladie génétique ou comme beaucoup, victimes de mortalité infantile ? J'en arrivais même à me demander s'ils avaient été bien soignés dans leurs familles d'accueil. Un couple de Thénardier, je veux bien mais quatre ?

Autre surprise de taille pour moi, la découverte que cette famille dont je porte le nom à une lettre près, a vécu tout près de chez moi à Bordeaux. D'abord cours Portal, puis rue Lafontaine et enfin, rue Bertrand de Goth à proximité de ce qu'on appelait la route de Bayonne jusqu'en 1919 avant qu'elle ne devienne le cours de l'Argonne. 

Au 19e siècle, ce quartier de Nansouty vit affluer une forte vague d'immigrés espagnols. C'était un quartier populaire mais pas uniquement, composé de familles d'ouvriers, d'employés et de militaires. C'est là que fleurirent les fameuses échoppes bordelaises, un habitat plutôt modeste à cette époque, bientôt rejointes par les cités d'Habitation à Bon Marché (HBM).  

Jean, le père de famille était employé d'octroi ou octroyen, probablement dans un cadre tel que celui qui figure sur cette carte postale ancienne de la Porte de Bourgogne. Pour en savoir plus sur ce métier, je renvoie mon lecteur à l'excellent billet du blog Des aïeux et des hommes.

Quant à la saga de cette famille, j'aimerais pouvoir écrire que les choses vont s'arranger pour elle ...

[A suivre]
* GBMDV, Mémoire des Vallées du Béarn

Illustration : La Porte de Bourgogne, l'octroi et le tramway à Bordeaux.
Sources : AD 64, Archives Départementales de Bordeaux-Métropole, Gen&O,Filae.
Bibliographie : Dominique Dussol, "Saint-Genès-Nansouty", Ed. Le festin (novembre 2018)