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samedi 21 octobre 2017

Celle qui est restée

Mariage de Dominica Etchemendy et Jean Curutchet
© Collection personnelle Rodolfo Lara
Décidément, ce "rendez-vous ancestral" me pousse à toutes les audaces. Cette fois, je vais me glisser subrepticement parmi les invités d'une noce. Nous sommes le 20 juin 1930 à Saint-Jean-le-Vieux, Basses Pyrénées, et c'est le mariage de ma grand-tante, Dominica Etchemendy avec Jean Curutchet. Elle, je l'ai un peu connue enfant quand nous allions rendre visite à cette sœur aînée de ma grand-mère paternelle dans sa maison de la rue des Pyrénées à Saint-Jean-Pied-de-Port. Mais aujourd'hui, ce ne sont pas les mariés qui m'intéressent.

Non, celle que je veux approcher car elle m'en apprendra davantage sur mon sujet, c'est mon arrière-grand-mère, Gracianne Urritzaga*. Quand je me suis lancée dans l'étude de cette branche, j'ai été frappée par le nombre de départs pour le "nouveau monde". Or, chez "mes" Urritzaga, toute la fratrie a émigré en Argentine au début du 20e siècle, toute, à l'exception de mon arrière-grand-mère Gracianne. Si elle n'était pas restée enracinée dans son Pays basque natal, je ne serais pas là aujourd'hui. 

Et la voilà justement qui s'approche de moi, pensant sans doute que je suis une invitée de la famille du marié, venue du village voisin de Saint-Michel. Vêtue d'une robe couleur de jais - elle porte le deuil de son mari mort il y a deux ans - très brune, plutôt mince, les cheveux ramassés en chignon sur la nuque, elle a un sourire doux tandis qu'elle s'avance vers moi en me tendant une cafetière fumante :

"Egun on Amatxi, je suis votre arrière-petite-fille et je suis journaliste. Je sais que vous êtes très occupée mais pourrais-je vous poser deux ou trois questions ? C'est pour un reportage sur la diaspora basque". Elle m'observe, interdite, je ne suis pas sûre qu'elle ait bien compris et je profite de l'effet de surprise pour continuer :

- Vous êtes née le 19 septembre 1883 dans ce village et vous êtes l'aînée et l'héritière de cette maison, ce qui explique peut-être que vous n'en soyez jamais partie ?
- En fait non, me coupe-t-elle, ce n'était pas cette maison mais une autre. Je suis née à Larrondoa. Celle-ci, Bidakurria, nous l'avons achetée avec mon mari Jean Etchemendy. Lui aussi, vois-tu, est parti tenter sa chance en Amérique et est revenu avec un petit pécule. Mais oui, là où tu as raison, c'est que je suis la seule à être restée, tous mes frères et sœur sont partis.
- Avez-vous de leurs nouvelles ?
- Bai, je suis toujours en contact avec ma sœur cadette Maria qui s'est mariée avec Michel Dorronsoro, un Basque qu'elle a connu là-bas. Ils vivent à La Plata et ils ont huit enfants.
- Et vos frères ?
- Les trois sont partis également, ils ont été aussitôt portés insoumis (soupir). Seul Jean-Félix s'est marié, lui aussi à La Plata. Avec sa femme Josefa Arteaga, ils ont eu deux enfants, un garçon et une fille.
- Mais Amatxi, plus surprenant, j'ai appris que votre propre mère Dominica Biscaïchipy, était née à Buenos Aires ?
- Tu es bien renseignée, en effet. Mes grands-parents maternels sont partis en Argentine où ils se sont mariés et ont eu ma mère, ils sont revenus ici, se sont remariés (!) et en ont profité pour la reconnaître comme leur fille. Plus tard, ils ont eu mon oncle Laurent.
- Et saviez-vous que vous aviez des cousins Urrizaga en Uruguay et même dans l'Ouest Américain ?
- Tu sais, au départ la famille venait de Valcarlos, même si c'est tout près d'ici, c'est en Espagne et au siècle dernier, l'Espagne était plus pauvre encore que la France et donc, beaucoup n'ont pas eu d'autre choix que de partir. Certains sont revenus, d'autres sont restés, c'est comme ça Gaichoua !
- Je comprends. Milesker Amatxi, je vous laisse à vos invités.
- Izan ontsa, petite !"
Maria Urrizaga et Miguel Dorronsoro
© Collection personnelle Rodolfo Lara
Pour la petite histoire, les deux photos ci-dessus m'ont été envoyées suite à un précédent billet par un petit-fils de Maria Urrizaga-Dorronsoro qui vit à La Plata (Argentine). 
Sur la photo de groupe, ma grand-mère est assise en bas à droite, à côté de sa sœur Maddie, elle-même assise à côté de mon arrière-grand-mère Gratianne. Les sœurs de la mariée sont toutes reconnaissables au long col blanc sur leur robe noire. Enfin, les notes en espagnol précisent qu'il s'agit d'un souvenir de la famille d'Europe de la grand-mère. Emouvant, non ? Gracias Rodolfo Rogelio Lara !  

 L'état civil français a ajouté à cette branche un "t" (Urritzaga). En basque espagnol (origine de la famille), le nom s'écrit Urrizaga.

Lexique
Egun On Amatxi (prononcer "amatchi") : Bonjour Grand-mère
Milesker : Merci
Bai : oui (ez = non)
Gaichoua : Expression qui peut se traduire par "bon sang"
Izan ontsa : Au revoir (bas-navarrais)

Sources
AD 64, Association Généalogie 64, Family Search, et mémoire familiale.
Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante: je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.

vendredi 27 mars 2015

Où les prénoms suivent la tradition ... ou pas

Ramiro Arrue y Valle
Généalogistes sérieux, passez votre chemin, ce billet n'est pas pour vous...
Aujourd'hui, dernier jour d'une semaine bien remplie, notamment passée à retranscrire de nombreux actes de mes lointains cousins de Barcus et de Lanne, j'ai envie de vous parler d'un sujet plus léger : le choix des prénoms.

Très tôt, j'ai su que je devais le mien à une longue tradition familiale. En commençant cette généalogie, je me suis vite aperçue que celle-ci remontait au 18e siècle. Les aînés, du moins "mâles" de la famille Eppherre, s'appellent tous ou presque Dominique depuis 1725. C'est le cas de mon père et d'une bonne  douzaine de ses devanciers. Jean (le prénom de mon oncle) tient la corde. Pour les filles, la gagnante est sans conteste Marie mais ce n'est pas le propre de ma famille. En tournant les pages des AD du 64, j'ai pu constater qu'environ deux filles sur trois le portaient au 19e siècle. En somme, je suis une bonne synthèse...

Néanmoins, j'ai déjà évoqué ici ma rencontre avec une Scholastique dont le prénom m'avait intriguée. Depuis, j'ai trouvé une Euphrosine, dont la sainte patronne est une jeune chrétienne d'Alexandrie au 5e siècle qui choisit Dieu plutôt que le vieux mari imposé par son père (je résume).

Mais la palme des prénoms originaux dans mon arbre revient à ceux donnés par Thérèse Curutchet dite Eppherre (1798-1844) de Barcus. Petite dernière d'une fratrie de dix enfants dont six auront une descendance, elle épouse le 19 novembre 1822 un Jean Etchandy de Barcus du même âge qu'elle. Sur leur acte de mariage, il est dit marchand de laine. Les affaires ont dû être florissantes car sur les actes de naissance de leurs enfants, très vite il sont mentionnés comme rentiers...

Ensemble, ils auront sept enfants dont les prénoms dénotent une certaine originalité comparés à ceux de leurs nombreux cousins. Jugez-en plutôt : Bathilde (1823), Jean Marcel (1824), François Ildephonse (1826), Marie Julie (1827), Marianne Adélaïde (1829), Philippine (1831) et enfin Jean-Baptiste (1835).   

Et vous, votre "top list" des prénoms les plus surprenants ? 

mardi 17 mars 2015

Nous vieillirons ensemble ...


Pour mettre un point final à l'histoire de Scholastique, mon "héroïne" des deux précédents billets, je vais évoquer ici un phénomène que j'ai remarqué à travers la généalogie mais aussi au présent : les vieux couples se suivent souvent de manière très rapprochée dans la mort.

Ainsi de Scholastique Eppherre. Je venais de transcrire son acte de décès le 30 janvier 1870 à l'âge de 83 ans quand en tournant une page, je m'aperçus que son mari Bernard Chabalgoity en mourant le 30 octobre 1869 à l'âge respectable de 92 ans, l'avait précédée de ... trois mois jour pour jour ! Malgré une différence d'âge de neuf ans, ils auront vécu 48 ans ensemble. Sans descendance, sauf surprise.
 
Quelques jours auparavant, j'avais constaté la même chose avec le couple formé par Engrace Eppherre et Jean Curutchet dit Eppherre, nés respectivement vers 1753 à Barcus et 1746 à Saint-Just. Ensemble, ils auront huit filles et deux garçons et une quarantaine de petits-enfants en 52 ans de mariage. Pour être exacte, je n'ai pas trouvé leur acte de mariage mais leur fille aînée Marie Philippine héritière d'Eppherre (déjà évoquée ) étant née en 1781, je suppose qu'on peut dater leur union à 1780. Eux aussi sont décédés l'un après l'autre. Engrace est partie la première, le 27 septembre 1833 à 80 ans et Jean, deux mois après, le 30 novembre, à l'âge de 87 ans. 

Ne dit-on pas "unis jusqu'à ce que la mort vous sépare ?"  

Illustration : Mauricio Flores Kaperotxipi