vendredi 28 décembre 2018

Petit miracle de Noël

Le petit miracle en question s'est produit le 22 décembre juste avant 19 heures, et je l'ai vécu un peu comme un cadeau de Noël avant l'heure. Chaque généalogiste connaît ce qu'on appelle une "épine généalogique", en fait un écueil sur lequel on bute pour faire avancer ses recherches ou corroborer une hypothèse. Quelqu'un m'a dit une fois qu'il en traînait une depuis plus de dix ans ! La mienne avait presque quatre ans et à vrai dire, je ne pensais plus vraiment la résoudre un jour...

Lorsque l'on s'intéresse à la généalogie basque, on sait l'importance de la maison, une composante essentielle pour comprendre la transmission du patrimoine et du nom de nos ancêtres. En mars 2015, aux balbutiements de mes recherches, j'avais raconté dans un billet comment j'avais retrouvé la Maison D'Eperre (sic) à Barcus. Ce n'était pas vraiment une surprise, mon père et la plupart de mes cousins m'ayant appris que le berceau de la famille se trouvait là.  

Au fur et à mesure de l'avancée de mes travaux, j'appris que la branche dont je descends par mon père côté paternel, prenait sa source à Alos où un cadet Epherre (tel qu'il signait son nom) avait épousé l'héritière de la maison d'Iriart. François Epherre dit Iriart (sosa 144) était mon aïeul à la 7e génération. Son acte de décès m'apprenait qu'il était mort le 31 juillet 1811 dans sa maison d'Alos à environ 86 ans, situant sa naissance autour de 1725. Il y était précisé qu'il était de Barcus, fils de Jean Epherre et de Catherine Saru. Erreur funeste !

L'état civil n'existant pas pour Barcus avant 1783 (et encore, avec une interruption entre 1789 et 1793, Révolution oblige !), je me résolus cette année à éplucher les minutes notariales de manière méthodique avec pour pour objectif de relier François, cadet (D')Epherre, à la branche aînée de Barcus que j'avais jusque là étudiée mais isolée de mon arbre. 

Sous l'Ancien Régime, je l'ai déjà raconté ici, on consultait son notaire pour un oui ou pour un non. La plupart des habitants ne parlant que le Basque et ne sachant pas écrire, juste signer leur nom - ce qui dans ce cas s'est avéré très précieux - les notaires étaient pléthores. Certains se rendaient même sur les marchés pour enregistrer un acte, signé à la plume sur un coin de table du cabaretier voisin !  

A Barcus, je vais retrouver de nombreux actes notariés entre 1744 et 1769 mentionnant une Catherine, héritière de la maison (D')Epherre et son mari Jean (De) Saru, maître adventif* de ladite maison. A partir de 1770, c'est leur fils aîné et héritier, Dominique, qui apparaît dans de nombreux actes. J'avais déjà retrouvé son acte de mariage en 1754 avec Marianne Duque de Barcus. Il signe Eppherre, exactement comme mon nom s'écrit aujourd'hui !

A Abense-de-Haut (parfois écrit Abense Supérieur) village de près de 300 habitants en 1793, jumelé depuis à Alos et Sibas, je vais rechercher mon aïeul François dans des milliers de pages entre 1748 et 1762. En vain. A Tardets, gros bourg voisin de la Haute-Soule, je tombe sur le testament d'un François Saru, concierge du Château de Trois-Villes, originaire de Barcus, qui fait un legs en faveur de son neveu et filleul, François D'Eperre dit Iriart d'Alos (sic), le 13 février 1767. Je sens que je brûle.

C'est finalement dans les minutes notariales de Maître Darhan, notaire à la résidence de Tardets, que je vais retrouver le "pacte de mariage" signé entre Jean de Saru dit Eperre et  Dominique Deperre (sic), père et fils, de Barcus, contractant pour leur fils et frère François, fils légitime de Jean de Saru et Catherine Deperre, d'une part ; et d'autre part Dominique Etchart (!) maître adventif* d'Iriart d'Alos, représentant sa fille Marie héritière D'Iriart. Il est signé du 15 janvier 1760.

En conclusion, le résultat de cette quête prouve encore une fois qu'au Pays basque le nom de la maison s'est souvent substitué au nom patronymique quitte à le faire disparaître totalement. Quant à mes proches, s'ils ont bien suivi mes explications, ils aurant noté que nous n'aurions jamais dû nous appeler Eppherre mais ... Saru** ! 

* Maître adventif (ou adventice) : celui qui a épousé l'héritière de la maison.

Sources : AD 64 (Etat civil et minutes notariales), Gen&OGeneanetWikipedia
Illustration : Geneanet
Nota :Mon arbre sur Geneanet n'est pas encore à jour, il faut que je fusionne les deux branches sur Geneatique. Ce sera mon prochain chantier !

mardi 11 décembre 2018

Amours ancillaires

Le 3 octobre 1849, Charles de Jaurgain, 84 ans, rentier, fils de feu Joseph, Ecuyer du Roy, Seigneur de Jaurgain d'Ossas et de Dame Batilde d'Argain, épouse Marie Vidart Arhex, 54 ans, domestique à Mauléon. Le monsieur a le sens des responsabilités car dans cet acte, il reconnaît un fils naturel fruit de leurs amours (sic), et qu'il a eu d'elle le 3 juillet 1822 à Ossas. Il faut dire que le temps presse, Charles de Jaurgain expire le 17 octobre soit moins de deux semaines après le mariage.  

A partir de là, Dominique Arhex va devenir Dominique Jaurgain et hériter d'une jolie petite fortune. Il se marie le 15 février 1855 à Moncayolle avec Marie-Louise Casamajor-Pulputy. Il est alors commis marchand chez Louis Etcheberry, négociant à Mauléon qui est du reste témoin à son mariage. Dans le contrat de mariage, les biens de Dominique sont évalués à 6 000 francs.

Avec sa femme, Dominique Jaurgain va ouvrir le Café du Commerce à Mauléon. Lorsqu'en avril 1894, il procède au partage des biens entre ses trois enfants, l'acte notarié décrira l'établissement en ces termes : limonadier, débitant de boissons, café, cercle, épicerie et articles de Paris ! Le nom du café n'est pas mentionné dans l'acte très détaillé de M° Jean-Dominique Julien Sallaberry, notaire à Mauléon, mais dans un document évoquant Mauléon en 14-18 de l'association Ikerzaleak, il est fait mention d'une Madame Jaurgain, propriétaire du "Café du Commerce".

Apparemment, après le décès de sa mère début 1889 et la cessation d'activité de son père en avril 1894, c'est le fils cadet Benjamin Félix Jaurgain né le 21 novembre 1864 qui reprend l'affaire avec son épouse Marie Lapitzondo. Ses sœurs, Maria née en 1855 et Louise-Clarisse en 1868 seront largement dotées. Pour preuve, lorsque la benjamine épouse Jean-Baptiste Heugas, un conducteur des Ponts et Chaussées de Saint-Palais, elle apporte 30 000 francs de dot !

On le voit, l'enfant né de père inconnu déclaré par son grand-père maternel Pierre Arhex, maçon à Ossas, s'il a pu bénéficier de la générosité de son père biologique à l'article de la mort, a su faire prospérer la fortune léguée par celui-ci ! A noter que la particule a disparu de son nom alors qu'on la retrouve dans la branche aînée et notamment chez son cousin issu de germain Jean de Jaurgain (1842-1920) qui connut de son vivant une petite notoriété.

La question que je me pose néanmoins, c'est pourquoi Charles de Jaurgain a-t-il mis tant de temps à reconnaître ce fils ? Marie Arhex, domestique, était-elle au service de la famille dans le château du même nom à Ossas ? Quand elle a son fils, elle est âgée de 27 ans, Charles en a trente de plus. Mais quand il l'épouse, il parle bien d'un enfant "né de leurs amours". On imagine que sentant sa mort prochaine, il veut assurer le bien-être de sa compagne. Marie (ou Marianne selon les actes) lui survivra trente ans. Elle s'éteint le 12 décembre 1889 à Ossas dans sa maison Jaureguiberriberria à l'âge de 85 ans.     

Pourtant, les parents de Charles sont décédés depuis très longtemps à la naissance de Dominique, le Seigneur Joseph de Jaurgain, le 4 Fructidor an IV* et Batilde d'Argain le 20 janvier 1808. Charles semble vivre alors avec sa sœur Dorothée de Jaurgain qui mourra dans la demeure familiale en 1843 à 83 ans. Cette sœur bréhaigne voyait-elle d'un mauvais œil une naissance illégitime dans sa respectable maison ?

Ou plus vraisemblablement, Charles voulut-il préserver l'honneur de la famille et celle de son frère aîné et héritier du titre, Jean Pierre ?
Jean Pierre de Jaurgain, marié à Engrâce Darhanpé, issue d'une bonne famille de Tardets, fut en effet le maire d'Ossas jusqu'en 1822.  

* 21 août 1796

Sources : AD 64 (Etat civil et minutes notariales), Gen&O, Filae, Geneanet, Wikipedia, Ikerzaleak
Illustration : Delcampe.net

Nota : Cette branche ne m'étant pas apparentée, elle n'est pas dans mon arbre sur Geneanet mais je tiens les références et d'autres dates à disposition de ceux qui m'en feraient la demande.