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jeudi 30 mars 2023

Un conseil municipal au sortir de la Grande Guerre

Aussurucq, cerca 1910 (Jacques Gorre)
Le 4 décembre 1920, le conseil municipal d'Aussurucq (Basses-Pyrénées) passe un marché de gré à gré avec le dénommé Inchauspé, un négociant local, pour - je cite - "fournir à la commune une plaque de marbre blanc avec les noms des poilus morts pour la France en lettres d'or, pour la somme de sept cents francs (700 F) plus transport, camionnage et pause avec une grille de protection (100 F) soit un total de huit cent francs (800 F).

La commande est signée par le Maire, Dominique Eppherre, deux conseillers municipaux, Jean Etchart et Etienne Gette et l'entrepreneur, Pierre Inchauspé. Cette plaque est bien en vue aujourd'hui sous le porche de l'église du village. Elle nous rappelle que comme partout en France, Aussurucq - 472 habitants à l'époque - a perdu douze enfants pendant la Guerre de 1914-1918.

Collection particulière © Mdep

En perspective du centenaire de l'Armistice, j'avais publié une série de billets pour évoquer ces poilus tombés pour la France. Cette fois, à la faveur de délibérations municipales numérisées dénichées sur le site des archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, je me suis penchée sur les conseillers municipaux de l'après Grande Guerre. Comme partout en France, les élections municipales se déroulent à Aussurucq le 30 novembre 1919.

Les résultats indiquent que sur 158 électeurs inscrits, 128 ont voté, 123 se sont exprimés et une majorité absolue (62 suffrages) a élu les douze candidats inscrits. Un mois plus tard à la veille de Noël, le conseil municipal du 24 décembre 1919 élit Dominique Eppherre maire de la commune. C'est le frère aîné de mon grand-père paternel, Pierre. 

Douze hommes tout juste élus conseillers municipaux de leur commune que je mets assez vite en parallèle avec les douze morts pour la France. D'ailleurs, si l'on regarde les deux listes, la répétition des noms interpelle. Je sais déjà que Michel Eppherre (1895-1916) est le frère cadet du nouveau maire. C'est également le cas de Martin Jaragoyhen dont le frère Bernard (1888-1916) tombé lui aussi à Verdun a été décoré de la Croix de Guerre.

Poussant un peu plus loin mes recherches sur les membres de ce nouveau conseil municipal, je fais une découverte à la lecture de leurs registres matricules également en ligne sur le site des AD64. La plupart d'entre eux ont été démobilisés dans le courant de l'année 1919 : Jean Achigar, Arnaud Basterreix et Pierre Jaury, en janvier ; Dominique Eppherre en février ; Pierre Barthe, Etienne Gette et Martin Jaragoyhen en mars ; Pierre Aguer en août. 

Le plus âgé, Arnaud Etchart, avait été libéré définitivement en juillet 1917. Il faut dire qu'il avait déjà 47 ans ! Père de quatre enfants, son neveu homonyme et probable filleul figure aussi sur le Monument aux morts.    

Ce qui frappe dans l'engagement de ces nouveaux édiles c'est leur sociologie. Tous cultivateurs, dans la force de l'âge et pour certains, déjà pères de plusieurs enfants. Le nouveau maire a 35 ans et est  père de cinq enfants (il en aura onze !). Le plus jeune conseiller, Pierre Aguer, a 28 ans, le plus âgé, Jean Achigar*, 46 ans. 

On note aussi que la génération précédente était déjà investie dans la vie publique. Le père du nouveau maire, Dominique Eppherre (1851-1928) - mon arrière-grand-père - a été conseiller municipal dès les années 1900 de même que Guillaume Etchart (1854-1935), frère aîné d'Arnaud. Etienne Gette est le fils de l'ancien maire, Jean Gette (1855-1936), démissionnaire en 1913 après plusieurs mandats.   

Autre remarque mais qui n'est pas vraiment une surprise tant l'endogamie était forte dans ces villages de la Soule : à l'exception d'un seul, j'ai pu relier chacun d'entre eux à mon arbre généalogique ! Tous cousins en somme.

Enfin par curiosité, je me suis intéressée au Conseil municipal actuel, élu en mai 2020. Composé de onze membres dont trois femmes, il a pour maire un agriculteur en retraite de ma génération qui a choisi de s'entourer d'une équipe jeune. Parmi laquelle un certain Ximun Eppherre, jeune agriculteur de 26 ans et ... arrière-petit-fils du Dominique Eppherre de 1919.  

*Concernant Pierre Campané, j'hésite entre deux frères (même prénom !) dont l'un avait 38 ans et l'autre 52 ans en 1919.

mercredi 6 octobre 2021

La dernière héritière du Château de Ruthie

Le Château de Ruthie est au cœur du berceau de ma famille, Aussurucq, depuis au moins le 13e siècle. Je l'ai déjà évoqué par le passé sans imaginer une seconde que mes ancêtres aient pu être liés à ses occupants en dehors d'une simple relation de voisinage. Ce en quoi je me trompais comme souvent en généalogie ...   

L'association Ikerzaleak qui fait un travail remarquable pour la sauvegarde de l'histoire et de la culture souletine a étudié en détails le passé du château et des Seigneurs de Ruthye (ou Ruthie) sur pas moins de quinze générations ! Elle fait remonter la filiation de cette famille à Marie de Ruthie, héritière d'Urrutia d'Aussurucq qui épouse vers 1400 André de Suhare.

Faisons un bond en avant jusqu'à la treizième génération quand Pierre de Charritte de Ruthie, écuyer du roi et Seigneur d'Aussurucq et de Garraïbie épouse vers 1745 Dame Marguerite de Dombidau, sœur d'un Conseiller au Parlement de Navarre. On leur connaît au moins neuf enfants dont le dernier est Charles de Ruthie, né vers 1759 (les registres BMS d'Aussurucq sont absents entre 1756 et 1760).

En revanche, la date de naissance de Bernard de Ruthie, le frère l'ayant précédé, à savoir le 28 février 1758, nous est connue car son acte de naissance a traversé les siècles pour se retrouver dans son dossier numérisé de la Légion d'honneur (Base Léonore).  

Mais revenons à Charles. En 1789, son père décède et au sortir de la Révolution, on le retrouve dans le château familial, peut-être avec sa mère et un ou deux frères ou sœurs dont Pierre Eustache, prêtre desservant la paroisse d'Aussurucq. Charles après une carrière d'officier d'infanterie, est juge de paix et maire d'Aussurucq.

Le 11 Fructidor an IV (28 août 1796), il est absent de la mairie et c'est son adjoint Martin Inchauspé qui enregistre la déclaration de naissance par Marie Aramburu, sage-femme, d'une petite fille née la veille à sept heures du soir dans la maison Laxalt. 

La jeune femme qui l'a mise au monde, Marguerite Beheregaray dite Sagardoy, est âgée de 23 ans. C'est la fille de Pierre Beheregaray et de Marguerite Sagardoy, cultivateurs et maîtres de la maison Sagardoy d'Aussurucq, et de fait, la petite-fille de Pierre Sagardoy, mon sosa 314. 

Quant au père de l'enfant, il s'agit de Charles de Ruthie dont elle portera le nom dès sa naissance et qui a choisi pour elle le prénom d'Elisabeth. En tout cas, si elle est illégitime quand elle vient au monde, Elisabeth va être une première fois reconnue par sa mère un an après sa naissance, le 16 août 1797 puis deux ans après par son père, le 24 novembre 1798.

Qui est Marguerite Beheregaray pour Charles de Ruthie ? Une voisine, une servante du château ? L'histoire ne le dit pas. Quoiqu'il en soit, si elle se marie en 1807 avec Grégoire Chalde Arxu dit Queheillalt, un charpentier du village dont elle aura quatre enfants, c'est bien sa fille aînée Elisabeth qui sera la prochaine (et dernière) héritière du château. 

Elisabeth va survivre presque soixante-dix ans à son père Charles, décédé en 1808. Elle ne se mariera pas, n'aura pas d'enfants et d'après Ikerzaleak, finira sa vie dans le plus grand dénuement. En 1841, elle rédige son testament dans lequel elle désigne sa mère naturelle (sic) comme héritière usufrutière. 

Elle laisse un legs à ses trois filleules toutes prénommées Elisabeth, dont l'une est la fille de sa demi-sœur Marguerite Chalde épouse Carricart et l'autre, la fille de sa cousine germaine Marthe Hortence de Ruthie épouse de Jean Dangaits. En 1875, Elisabeth lègue le château à la commune d'Aussurucq pour servir de presbytère.

Avec la mort d'Elisabeth de Ruthie le 26 juin 1877 à 80 ans s'achèvent près de cinq siècles de possession du château par la famille de Ruthie. Un temps presbytère et même auberge, il abrite aujourd'hui la mairie d'Aussurucq et une salle d'exposition.

Illustration : Le château de Ruthie, aquarelle d'Anto Aguergaray

jeudi 9 avril 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (VII)

Aujourd'hui, ça tombe bien, j'avais prévu d'aborder l'aspect géographique de cette série or c'est justement le jour que Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF, a choisi pour faire découvrir à ceux qui ne le connaitraient pas encore Gallicarte. Gallicarte, c'est quoi ? C'est l'outil de géolocalisation de Gallica pour pouvoir notamment retrouver un lieu en France. Non sans humour, cette "quête" se repère sur les réseaux sociaux par le hashtag #Mon BledDansCassini (carte 1).


La carte de Cassini est la première carte topographique établie à l'échelle du Royaume de France entre le milieu du 18e siècle et le début du 19e siècle (1756-1815). Il serait du reste plus juste de l'appeler "carte des Cassini" car elle a été dressée par la famille Cassini, principalement César-François Cassini et son fils Dominique. 

On lit parfois aussi "carte de Marie-Antoinette" pour les relevés effectués au 18e siècle. On peut y accéder via Geoportail mais aussi l'Ehess qui a l'avantage de donner en plus des informations sur l'évolution de la population par exemple (voir le 3e volet de cette série). J'ai choisi l'extrait de la carte de Cassini ci-dessus, car en plus d'Aussuruc (orthographe de l'époque), on distingue Suhare, d'où viennent les Irigoyen et Sunharette d'où était natif Dominique Eppherre, mon arrière-grand-père.  

Dans la carte n° 2, extraite du "cadastre napoléonien" d'Aussurucq (en ligne sur le site des AD64), on peut voir le centre du village tel qu'il était au début du 19e siècle. On y distingue très bien le château de Ruthie avec ses deux corps de bâtiments (parcelle 240) et au-dessus, en bleu, l'église entourée de son cimetière (parcelle 264). Quand j'aurai l'occasion de retourner en salle de lecture du PAB* à Bayonne, j'irai consulter le "Registre des augmentations et diminutions" (série 3P) pour en savoir plus sur les propriétés de mes ancêtres à l'époque.
Si on le compare avec Aussurucq aujourd'hui sur Géoportail (carte 3), on s'aperçoit que le centre du village n'a pas énormément changé, on distingue bien le bâtiment en "L" du château avec derrière, le fronton et, en haut à droite de celui-ci, l'église et le cimetière en forme de "larme".
Pour terminer avec cette approche "spatio-temporelle", la dernière carte, toujours dans Cassini, permet de repérer Aussurucq dans son environnement géographique...


* PAB : Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque 

mercredi 8 avril 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (VI)

Quel est le rapport entre l'Ecole Normale Supérieure de Fontenay-aux-Roses fondée en 1880 et chantée par Maxime Le Forestier, et Aussurucq ? A mi-chemin entre mon billet sur l'école et celui sur l'église, plusieurs articles de Gallica ont mentionné le nom du village associé à un certain Félix Pécaut. Né Jean Pécaut à Salies-de-Béarn, le 3 juin 1828, Félix Pécaut est le fils de Pierre Pécaut, un fabricant de chocolat béarnais, et de Félice Beigbeder. 

Pasteur, membre du consistoire protestant, Pierre Pécaut est pour le moins un original qui décide d'envoyer son fils premier né âgé de 7 ans à Aussurucq, officiellement pour y apprendre le basque ! Pour ce faire, il logera chez l'instituteur de la commune, Jean Iribarne. A la mi-septembre 1835, l'enfant arrive donc au village avec une mission quasi christique : apporter la bonne nouvelle.

Curieux mélange de genre que cette immersion d'un petit protestant (autant dire hérétique aux yeux des villageois), dûment accrédité par le sous-préfet des Basses-Pyrénées de l'époque, logé chez l'instituteur laïc et qui, très vite, a maille à partir avec le curé avec qui il débat de "choses saintes et de la Bible". Le futur journal de son fils, Elie Pécaut (1854-1912), évoquera même deux "controverses théologiques." Pas moins ! 

Très vite, le scandale éclate et dès le 22 septembre, le Maire d'Aussurucq, Monsieur Sagardoy, écrit à Pierre Pécaut en ces termes : "Lorsque j'appris que votre fils devait venir auprès de notre instituteur, je ne croyais pas qu'on aurait attaché à sa présence ici une si vive importance. Mais aujourd'hui que votre enfant est devenu le sujet de troubles et de divisions dans la commune, je vous prie de nous le retirer." Cependant, Félix y restera au moins jusqu'à janvier 1836 et ne fera aucune allusion à l'hostilité ambiante dans les six lettres qu'il écrira à ses parents. 

Devenu inspecteur général de l'Instruction publique sous Jules Ferry,  Félix Pécaut contribue à la fondation de l'ENS de Fontenay-sous-Bois aux côtés de Ferdinand Buisson. Il sera le premier Directeur de cette école chargée de former entre 40 000 et 50 000 institutrices dont la France avait besoin en cette fin du 19e siècle dans sa marche vers la laïcisation de l'école.

Mais revenons à Aussurucq, ou plutôt empruntons les pas de Félix Pécaut, alors en tournée d'inspection dans le Pays basque où il revient en 1880. Il écrit à sa fille Berthe Pécaut épouse Carrive (1860-1920) : "J'arrive d'Aussurucq, où l'instruction est loin d'avoir bougé depuis que j'y étais à l'école, en 1835. J'ai revu le porche de l'Eglise, où étaient nos bancs, la maison où j'arrivai tout enfant sur une ânesse aveugle, la petite place où, assis sur un quartier de roc, je racontais à un vicaire émerveillé les longues histoires de la Bible." [...] 

Et de conclure de façon lapidaire : "Le pays est très réactionnaire. Comment ne le serait-il pas ? Il ne lit rien ; il n'entend que le prêtre. Il faudrait vingt ans d'efforts suivis pour modifier profondément cette situation. Les pères de famille, mes camarades de 1835, suivent l'exemple de leurs devanciers en fait d'indifférence."

A ce moment-là, mon trisaïeul Dominique Irigoyen est encore en poste et vit une fin de carrière compliquée où rappelons-le, il est chantre à l'église, et en bien meilleurs termes avec le curé qu'avec le maire... On l'a un peu oublié mais à cette époque, l'école était un enjeu crucial entre le Clergé et la République. Vingt -cinq ans plus tard, la question sera en partie réglée avec la Loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat.

A suivre...

Illustrations : ENS Fontenay-aux-Roses : delcampe.net
Portrait de Félix Pécaut : Wikipedia.
Autres sources : AD 64, Gallica Presse et Médias 
Généalogie de Félix Pécaut sur Geneanet
Sur Félix Pécaut : Lucien Carrive, "Un épisode des conflits religieux en 1835 : Félix Pécaut à Aussurucq"Bulletin du CEPB, Pau, Centre d'étude du protestantisme béarnais, série n°18,‎ 

mardi 7 avril 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (V)

 
Au centre du village d'Aussurucq trône l'église. Dédiée à Saint-Martin, elle est mentionnée dès 1189 comme chapellerie de la commanderie d'Ordiarp, surplombant le château de Ruthie, elle en occupait le sommet de l'enceinte. Pour y accéder, on emprunte un escalier imposant qui la fait dominer tout le village. Elle est de style souletin avec son clocher parfois dit trinitaire mais qui en fait est un clocher calvaire représentant Jésus et ses deux compagnons d'infortune sur le Golgotha.

Contrairement aux autres églises de la Soule elle n'a jamais été murée. Sur son flanc droit, on distingue encore la "porte des agots" par laquelle ces "bannis" qu'ailleurs on nomme "cagots" avaient accès à l'église. 
Comme c'est souvent le cas en Pays basque, l'église est ceinte par le cimetière. Pas de monument aux morts à Aussurucq, c'est sous le porche qu'une plaque égrène les noms des disparus des dernières guerres. J'avais consacré à mon grand-oncle Michel Eppherre (1885-1916) et à ses deux cousins germains deux billets à retrouver ici.

L'intérieur de l'église a un petit côté baroque qui peut surprendre dans un village de quelque 250 âmes mais le Pays basque a toujours été très croyant et pratiquant et le reste encore même si, comme partout ailleurs, les curés se font rares et que ce sont désormais les laïcs qui assurent un service aux côtés de prêtres obligés de se partager entre plusieurs paroisses.

Depuis quelques années se tient en juillet dans un cadre qui s'y prête parfaitement un événement musical, "Aussurucq Lyrique" où de belles voix résonnent entre ces murs qui en ont déjà entendues d'autres. Les Basques, je l'ai déjà dit, ont des voix puissantes - surtout les hommes - un sens inné de l'harmonie vocale et leurs polyphonies n'ont rien à envier à celles des Corses ! 

J'ai un souvenir très vif à ce sujet : lorsque petite fille âgée de neuf ou dix ans, j'assistais à la messe assise en bas de l'église de Mauléon avec ma mère et ma grand-mère, je reconnaissais non sans une certaine fierté la voix de ténor de mon grand-père s'élevant de la galerie où la tradition voulait que les hommes se tiennent.  

Mais il est temps d'arrêter là le "dépliant touristique" pour en arriver à la généalogie. Sauf erreur de ma part, un seul de mes ancêtres a été desservant de cette église, Jean ou Jean-Baptiste Recalt, né vers 1737 à Sunharette, fils de Bernard Recalt, mon sosa 268, laboureur et maître de la maison du même nom à Sunharette. 

Jean Recalt fut prêtre à Aussurucq avant de l'être dans les paroisses de Lacarry, Charritte et Arhan. Il a d'ailleurs terminé sa vie à Lacarry le 21 juin 1808, où il a été inhumé dans le cimetière du village et a laissé à la postérité un testament chez M° Detchandy, notaire à Abense-de-Haut, qui m'a permis de bien avancer dans mes recherches. Grâces lui soient rendues ! Jean Recalt joue aussi un rôle dans un de mes premiers billets intitulé "Les deux orphelines et l'église d'Aussurucq". 

Il reste encore beaucoup à dire sur cette église et le rôle qu'a joué la religion dans ce village mais comme ceux de mes lecteurs qui me connaissent bien le savent, je n'aime pas les billets trop longs...

A suivre...
Illustrations : 
Première photo : carte postale ancienne Delcampe
Photos suivantes : collection personnelle
Sources :
Sur l'histoire de l'église Aussurucq : descriptif dans l"église
Liens avec les épisodes précédents http://bit.ly/2UlkR3b,  http://bit.ly/3dnyzey  https://bit.ly/33LITse, https://bit.ly/2wU86EX

mardi 31 mars 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (IV)

 
En 1884, le Ministère de l'Instruction publique commande une enquête sur la situation des écoles primaires en France. Pour ce faire, un questionnaire est adressé aux instituteurs et institutrices. Les 444 registres qui en ressortent sont conservés aux Archives nationales à Peyrefitte mais font aussi partie de la salle des inventaires virtuelle, classés par département et, à l'intérieur de celui-ci, par canton.

A Aussurucq, Dominique Irigoyen, mon arrière-arrière-grand-père, reçoit le questionnaire alors qu'il effectue sa dernière année d'enseignement en tant que directeur et maître de l'unique classe de garçons. Agé de 55 ans, il a commencé sa carrière en 1848 et n'a exercé qu'à Aussurucq dont il n'est pas originaire puisqu'il vient de Suhare, un village mitoyen. L'école datant de 1847, on peut en déduire qu'il en a été le premier et seul instituteur depuis. Lorsqu'il prendra sa retraite à la fin de l'année, il sera remplacé par Justin Etcheberry*.

Dans son rapport, Dominique indique que 50 garçons de la commune sont inscrits en 1884 dont quatre ont entre 5 et 6 ans et 46 de 6 à 13 ans. Mais 30 seulement sont présents au moment où il remplit le questionnaire. Il faut dire que cette classe unique occupe une salle de 38 m² et qu'il manque donc douze places pour pouvoir accueillir tous les enfants ! (phénomène qu'on retrouvera chez sa collègue institutrice).

L'école se compose de deux niveaux dont le deuxième est réservé à la mairie. Comme c'est souvent le cas alors, l'instituteur fait aussi office de secrétaire de mairie. A noter que dans son dernier rapport sur mon aïeul en 1881, l'inspecteur primaire, M. Urruty, note que ses relations ne sont pas bonnes avec le maire actuel (M. Execolatz) alors qu'elles l'étaient avec ses prédécesseurs. Il s'entend bien en revanche avec le curé, et est chantre à l'église, ceci expliquant peut-être cela...

Si l'école des garçons a un local qui lui est affecté, celle des filles est louée 150 francs par an. En 1884, la classe unique est dirigée par Batilde Joanicot qui a remplacé Adélaïde Lassalle. Mademoiselle Joanicot est née le 3 septembre 1856 à Ogenne-Camptort (canton d'Oloron-Ste-Marie). Native d'une petite commune béarnaise, on peut penser qu'elle ne parle pas le basque, ce qui est l'effet recherché à cette époque où tous les enfants sont censés maîtriser le français.

Batilde est fille d'un instituteur, Thomas-Pierre Joanicot, et sœur cadette d'une institutrice, Marie-Catherine Joanicot. Les dynasties d'instituteurs sont courantes au 19e siècle (rappelons que la fille de Dominique Irigoyen, Engrâce Brisé est alors institutrice à St-Just-Ibarre et que ses deux fils, Jean-Baptiste et Dominique Brisé, embrasseront la carrière à leur tour).

Dans la classe de filles, 40 élèves sont inscrites en cette année 1884 dont six de quatre à cinq ans,
deux de 5 à 6 ans et 32, de 6 à 13 ans. Dans les faits, seules 27 sont présentes parmi lesquelles deux étrangères dont je n'ai pu déterminer l'origine (probablement espagnole). Là encore, avec une salle de 26 m², huit places manquent à l'appel pour accueillir correctement les enfants. A noter que - en dehors des heures de classe, j'imagine - Mademoiselle Joanicot fait la classe à vingt adultes !

Est-ce par ce biais qu'elle rencontre son futur mari ? Toujours est-il que le 4 octobre 1886, l'institutrice de 30 ans, épouse Dominique Elhorry, 22 ans, cordonnier à Aussurucq et natif d'Ossas. J'ignore où elle a poursuivi sa carrière* mais elle l'a terminée fin 1921 après 43 ans de services.

Pour clore sur ce chapitre, j'évoquerai un personnage qui eut son importance en matière scolaire : Jean-Baptiste Archu (ou Arxu), né à Aussurucq le 11 septembre 1811 et décédé à La Réole (Gironde) le 9 juin 1881. Inspecteur des écoles primaires de ce département, on lui doit une Grammaire basque française à l'usage des écoles du pays basque (1853) et plus anecdotique, une traduction en vers basques de quelques Fables de la Fontaine.


A suivre...

*Le dossier d'institutrice de Batilde Joanicot épouse Elhorry est à consulter en salle de lecture aux AD64 à Pau (Série T - cote IT 146). Attention, les dossiers des institutrices sont classés par nom d'épouse !  
La cote du dossier de Pierre Justin Etcheberry est IT 67.

Illustrations : "Mardi leçon de calcul."- Publicité pour la Maison modèle Victor Rouzaud et Rafaillac à Bordeaux (Bibliothèques de Bordeaux).
Croquis de la main des instituteurs Dominique Irigoyen (1829-1898) et Batilde Joanicot épouse Elhorry (1856- ap. 1922) pour l'Enquête sur la situation des écoles primaires en France en 1884.
Choix de Fables de La Fontaine par JB Archu (Galllica).
Sources : liens dans le texte
Je renouvelle mes remerciements à Nicolas Urruty qui en 2018 avait fait des recherches pour moi aux AD 64 (Pau) sur les instituteurs de ma famille. Pour ceux que cela intéresserait, je tiens à leur disposition les listes des dossiers des instituteurs et institutrices des Basses-Pyrénées consultables  en salle de lecture à Pau.
Liens avec les épisodes précédents : http://bit.ly/2UlkR3b,  http://bit.ly/3dnyzey et https://bit.ly/33LITse

jeudi 26 mars 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (III)

Comme je l'ai écrit dans le premier volet de cette tentative de monographie, on trouve des traces de peuplement très tôt à Aussurucq. Cependant, le premier décompte de population officiel n'intervient à ma connaissance qu'en 1793 et fait état de 596 habitants. La courbe de population atteindra un pic en 1846 avec 740 âmes, notamment grâce à la présence d'une brigade de douaniers que j'ai évoquée dans une série de billets sur le sujet. 

Dans la deuxième moitié du 19e siècle, la population va peu fluctuer, autour de 650 habitants, pour s'appauvrir à nouveau après 1886, où l'on commence à mesurer l'effet du départ des "cadets" vers "les Amériques." De 1887 à 1889, le Fonds Vigné fait état du départ d'une dizaine de jeunes gens du village. J'ai raconté sur ce blog l'histoire de la "petite" Marie Serbielle dans "Une mère et ses filles en Argentine" que j'invite à (re) lire tant cette épopée paraît incroyable de nos jours !

Ce phénomène de départ pour l'Argentine, l'Uruguay et le Chili va se poursuivre avant et après la première guerre mondiale. J'ai pu retrouver grâce aux registres des "marchands de palombes" puis à FamilySearch de nombreux cousins qui ont quitté le Pays basque pour l'Amérique du Sud. En octobre 2018, j'ai fait partie du "comité d'accueil" d'Alberto Jaury revenu sur les traces de son arrière-grand-père parti d'Aussurucq. Mes posts sur ce thème sont regroupés sous le libellé "émigration basque".

A présent, entrons un peu plus dans la sociologie de cette petite commune souletine. Les recensements de population ne sont pas en ligne sur le site des AD 64 mais je les avais relevés lors de mon passage en salle de lecture au PAB* de Bayonne en octobre 2018. Ils sont réunis dans une grande liasse qui va de 1831 à 1954 mais quelques feuillets manquent.

J'ai choisi d'étudier le recensement de 1876 car c'est un des plus complets et il offre un panorama détaillé de la commune à ce moment-là. Elle se compose alors de 640 personnes répartis sur quatre quartiers : le Bourg  (83 maisons, 363 habitants), Barricata (16 maisons, 102 habitants), Garraïbie (19 maisons, 18 ménages et 129 habitants) et Utchia (8 maisons et 46 habitants).

La répartition par sexe est de 327 sujets féminins (208 filles, 94 femmes mariées et 25 veuves) pour 313 sujets masculins (201 garçons, 94 hommes mariés et 18 veufs). Le village est jeune : 150 garçons et 141 filles ont moins de 21 ans. Deux hommes et deux femmes ont plus de 80 ans, mais aucun nonagénaire ni centenaire n'y vit.

Sans surprise, le village se compose majoritairement d'agriculteurs et de métayers (au nombre de 6). A Aussurucq en 1876, 616 personnes vivent de l'agriculture ! Les autres sont artisans (cordonnier, sandalière, charpentier...) et l'un est employé des chemins de fer (sans doute à Mauléon-Licharre). 

On notera la présence d'une rentière, Elisabeth de Ruthie, célibataire, propriétaire du château du même nom qui mourra à 82 ans le 26 juin de l'année suivante. Dominique Irigoyen, mon trisaïeul, est l'instituteur des garçons, Adélaïde Lassalle, celle des filles. Côté culte, un curé officie à l'église du village.  

Dans la famille de mes arrière-arrière-grands-parents, sur les quatorze enfants de la fratrie, huit sont présents au foyer de la maison Etcheberria au moment du recensement dont mon arrière-grand-mère, Elisabeth. Née le 12 avril 1858, elle est alors âgée de 18 ans. Trois enfants sont décédés en 1866, 1873 et 1874,  et les deux derniers, Grégoire 9 ans et Michel, 7 ans, sont ceux qui émigrerontt au Chili. Marie-Jeanne Dargain-Laxalt, mon aïeule, sera enceinte l'année suivante d'un dernier enfant, Jean-Pierre, né en octobre 1877.

A suivre...

 * Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque 

Illustrations :
Photo 1 : Ramiro Arrue y Valle (1892-1971) "Baserritarak", 1925
Photo 2 : Diagramme d'évolution de la population d'Aussurucq (Ldh/EHESS, Cassini)
Photo 3 : Extrait du dénombrement de 1876 - Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque (salle de lecture).
Sources : Dans le corps du texte. 
Et sur les conseils de Stanislas, voici les liens avec les épisodes précédents : http://bit.ly/2UlkR3b et http://bit.ly/3dnyzey

jeudi 19 mars 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (II)



Mais d'abord, c'est où Aussurucq ? Si je vous dis dans les Arbailles (Arbalia en souletin), ça ne vous avance pas beaucoup. Si je vous dis en Soule, l'une des sept provinces basques, ça parlera peut-être à certains, dans les Pyrénées Atlantiques, un plus grand nombre les situera peut-être (encore que beaucoup confondent les trois département pyrénéens). Ceux qui se doutent que c'est dans le Pays basque (surtout s'ils ont arrivés jusqu'ici...), auront probablement en tête une image de carte postale avec des belles maisons à colombages rouges ou vertes.

Rien de tel à Aussurucq et dans les villages environnants, la Soule est la plus petite et la plus discrète des provinces basques, ici les grosses fermes à toit d'ardoise ressemblent davantage à celles qu'on peut voir dans les Béarn voisin ou certaines vallées des Hautes-Pyrénées. Les gens quand on ne les connaît pas peuvent aussi paraître plus austères, pas très causants. Et en plus, ils parlent un basque différent où les ü se disent "u" et "ou" quand il n'y a pas de tréma !


C'était un sujet permanent de discussions entre mes grands-parents, lequel parlait le basque le plus pur, de mon grand-père natif d'Aussurucq ou de ma grand-mère née à Saint-Jean-le-Vieux en Basse-Navarre. Et encore, tous deux étaient des montagnards, rien à voir avec ceux de la côte basque, les Labourdins !  

Ce que j'aime ici c'est que les choses n'ont pas tellement changé depuis que j'y venais enfant aux grandes vacances. Les brebis se baladent toujours dans les rues et, quand on arrive en vue du village, il faut souvent garer la voiture pour laisser passer un troupeau de vaches ou attendre patiemment derrière un tracteur dont le conducteur fait mine de ne pas savoir que vous êtes là, son béret noir posé crânement sur l'occiput et sa gitane maïs au bec. 

Bien sûr, les jeunes paysans sont plus accueillants, aimant leur métier avec autant de passion que leurs aînés mais hésitant moins à en parler avec les touristes, les médias ou les cousins qui reviennent au pays. Ce qui n'a pas changé c'est que dès que vous mettez trois Basques autour d'une table ou d'un comptoir, ils ne tardent pas à chanter avec un sens de l'harmonie inné chez eux.

Rassurez-vous, je n'oublie pas que ceci est un blog de généalogie et en continuant ainsi, j'aurais trop peur de tomber moi aussi dans les clichés que j'ai si souvent reprochés aux autres ! Après cette rapide présentation "géo-sociologique", je reviendrai très vite aux fondamentaux. Pour vous faire patienter, je vous laisse avec cette carte de Cassini au 18e siècle à l'époque où le village comptait quelque 600 habitants contre 245 aujourd'hui.

A suivre ...
llustrations :
Photos 1 et 2 : Collection personnelle - Tout droit de reprodcution inrerdit
Carte de la Soule 
Carte de Cassini dite de Marie-Antoinette 

mercredi 18 mars 2020

Monographie d'une commune basque : Aussurucq (I)

Comme je l'ai précisé dans un de mes premiers billets, Aussurucq n'est pas le berceau de la famille Eppherre, c'est Barcus. Venant du village voisin de Sunharette, mon arrière-grand-père, Dominique Eppherre (1851-1928), est arrivé à Aussurucq pour y épouser en 1881 Élisabeth Irigoyen (1858-1942), la fille de l'instituteur du village. Mais comme rien n'est jamais simple en généalogie, dans un autre billet, j'expliquais comment les Irigoyen venus de Suhare étaient en fait des ... Eppherre ! J'ai eu maintes fois l'occasion de rappeler comment au Pays basque, le nom de la maison (domonyme) primait sur le nom patronymique. 
Dans le guide "Retrouver ses ancêtres basques" que j'ai coécrit avec Isabelle Louradour, un large chapitre est consacré au rôle central de la maison (etxe) dans la culture basque. Impossible de faire sérieusement de la généalogie basque si on n'a pas ça en tête ! Cette introduction un peu longue pour revenir à Aussurucq, ce petit village de la Soule dans les Pyrénées-Atlantiques (Basses-Pyrénées jusqu'en 1969), le berceau de ma famille.

La fondation du village remonterait au 12e siècle. Le nom d'Auçuruc apparaît dès 1189 d'après Jean-Baptiste Orpustan, auteur d'une toponymie basque régulièrement mise à jour. Le nom signifierait "lieu situé de l'autre côté des aulnes" de (h)alts "aulne" et urruti "situé de l'autre côté". Le nom du château de Ruthie (j'y reviendrai) qui trône au centre du village est aussi un dérivatif de "urruti".

Toujours d'après Orpustan, l'aulnaie devait se situer sur les bords du ruisseau de Guessalia (eau saumâtre), toutes les maisons du village se trouvant assez loin sur la rive gauche. Je renvoie mon lecteur à un #RDVAncestral qui évoquait Guessalia, un lieu-dit sur lequel un ancien moulin a désormais pour propriétaire mon cousin Dominique.

Si on remonte dans le temps, on trouve des traces de présence humaine en Soule dès le paléolithique moyen (entre 350 000 et 45 000 ans avant notre ère) et notamment des restes préhistoriques dans les grottes Xaxixiloaga à Aussurucq (sources : Histoire de la Soule sur Wikipedia).

L'histoire d'Aussurucq est intimement liée à celle du château de Ruthie. D'après Mérimée, le château est mentionné pour la première fois dans une charte de l'abbaye de Roncevaux en 1189 qui y fonda un hôpital pour les pèlerins se rendant à Saint-Jacques de Compostelle. Au milieu du 16e siècle, la plupart des maisons nobles du pays de Soule furent incendiées avant d'être relevées.

Le château tel qu'on le voit aujourd'hui se compose de deux corps de logis datant des 17e et 18e siècles. Inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques en avril 1925, il abrite aujourd'hui la mairie du village. Parmi les Seigneurs de Ruthie qui se sont succédé, le plus célèbre est sans doute Pierre-Arnaud ou Peyrot de Ruthie, l'un des cent gentilhommes de la chambre des rois sous Louis XII puis François 1er.

Une pastorale lui a été consacrée en 2002 "Urrüti Jauregiko Peirot", écrite et mise en scène par le musicien et chanteur basque Niko Etxart (natif d'Aussurucq !) et jouée par les Altzürükütar ou Aussuruquois, dont plusieurs de mes cousins.


Enfin, une autre personnalité est liée à la commune, Guillaume Eppherre, prêtre, écrivain et académicien basque, un cousin germain de mon père que j'ai eu la chance de connaître, et auquel j'ai déjà consacré un billet.

A suivre...
Illustrations :
Photos 1 et 2 : Delcampe.net
Photo 3 : Affiche de la pastorale d'Aussurucq (2002) Ikezaleak (entre autres).
Sources : Dans le corps de texte
En savoir plus sur le Château de Ruthie et ses seigneurs : lire l'article de Ikerzaleak.

vendredi 28 février 2020

100 mots pour une vie : Marie Eppherre-Irigoyen (1888-1918)

Marie voit le jour le 28 janvier 1888 à Aussurucq dans la maison Etxeberria. Elle est la quatrième enfant de Dominique Eppherre et Elisabeth Irigoyen*. Le 18 avril 1912, elle épouse Joseph Hoquigaray, un cultivateur d'Oyherq, de dix ans son aîné. Le couple aura bientôt deux fils, Raymond, en juillet 1913 et Michel en février 1917. Alors que la famille est déjà éprouvée par la mort en février 1916 à Verdun de Michel, son frère cadet, et que ses frères aînés Dominique et Jean-Baptiste ne sont pas encore rentrés de la guerre, Marie s'éteint en novembre 1918 de la grippe espagnole.    
 * Mes arrière-grands-parents

Avec un bilan final compris entre 50 et 100 millions de morts, l’épidémie de grippe espagnole survenue entre 1918 et 1920 coûta la vie à trois à six fois plus de personnes que la Première Guerre mondiale. (RetroNews). 

Voilà ce qu'on peut lire dans "Autour du clocher", le bulletin paroissial de Mauléon, en décembre 1918 : « Tel est le triste bilan des ravages exercés par la grippe dans la paroisse depuis un mois : 24 décès (Juana Asnarez Mendiara, 82 ans, André Méheillalt, 71 ans, Jean-Pierre Berdalle, 32 ans, Pierre Aguer, 66 ans, Grégoria Nadal, Henriette Carricart 21 ans, Marie-Louise Damalenaere, 48 ans, Marie-Anna Bessouat 63 ans…) dont quatre mères de famille (Tomasa Jasa épouse Martin, 28 ans, avec son fils, Marie Epherre Irigoyen épouse Hoquigaray, 30 ans, Catherine Peillen épouse Paillet, 34 ans, après Anne-Marie Paillet, Sylvie-Marie Collet épouse Braconnier et Marianne Harichoury épouse Borde, 32 ans) ; et aussi dix enfants de 6 mois à 7 ans : Albert Martin, 2 ans, Félicien Daviton, 7 ans, Marie Castejon, 6 ans, Pierre-Michel Fourcade, 6 ans, Jean Anso, 5 ans, Joseph Vincente, 6 mois, Jean-Pierre Hoguy, un an, Jean Langlois, 5 ans, Jules Cuyen, 2 ans et Marguerite Indurain, 3 ans)! Nous recommandons aux personnes atteintes la plus rigoureuse prudence hygiénique. » (Ikerzaleak).

Illustration : Active History, Canada

samedi 21 décembre 2019

100 mots pour une (courte) vie : Jeanne-Noéline Eppherre (1896-1899)

Jeanne-Noéline doit sans doute son prénom à sa naissance un 25 décembre. Son père, Dominique Eppherre, 44 ans, agriculteur à Aussurucq, la déclare lui-même en mairie le jour de Noël 1896 à midi. La petite fille est née une heure plus tôt dans la maison d'Etcheberria. Dominique se fait accompagner par Dominique Irigoyen, 67 ans, instituteur en retraite, le père de son épouse Elisabeth.
Noéline est la neuvième d'une fratrie qui comptera onze enfants, mon grand-père Pierre (1901-1970) étant le dernier. Elle n'atteindra pas ses trois ans puisqu'elle décèdera à Pâques de l'année 1899, le 20 avril exactement.

J'ai écrit ce billet pour répondre à la question de Sophie Boudarel de la Gazette des Ancêtres : "Et vous, avez-vous des Noël.le dans votre arbre généalogique ?". A la génération suivante, dans une autre branche d'Eppherre, à Sauguis-Saint-Etienne, un autre village souletin. Jeanne-Noëlie Eppherre a eu plus de chance que sa cousine. Elle est née le 24 décembre 1927 au foyer de Jean Eppherre et Hélène Garicoix de Sauguis et est décédée à 85 ans le 8 novembre 2012 à Orthez, entourée de ses enfants et petits-enfants...

Sources : AD64, Gen&0,  Geneanet (colgnecminsee)
Illustration : Urandia (né en 1932 à Hendaye) "Nativité Eskualdun"
  
  
   

samedi 7 septembre 2019

100 mots pour une vie : Jean-Pierre Irigoyen (1877- ?)


Le quatorzième et dernier enfant de la fratrie Irigoyen, Jean-Pierre, naît le 22 octobre 1877 alors que ses parents sont déjà âgés de 48 et 44 ans et que ses aînés ont plus de 20 ans. Lors du recensement de 1901 à Aussurucq, c’est un jeune homme célibataire qui vit chez sa sœur Elisabeth et son mari Dominique. Sa trace se perd ensuite mais, d'après la mémoire familiale, il serait parti comme berger en Argentine ou peut-être en Uruguay. Si c’est bien lui, il aurait embarqué à bord du « Ceylan » à Bordeaux le 17 octobre 1930. Depuis, rien.

Sources : AD64, Cemla
Illustration : Simeon Oiz Mendiko Artzaina (1937)

jeudi 5 septembre 2019

100 mots pour une vie : Maddie Irigoyen (1853-1871)

Aînée d’une famille de quatorze enfants, Marie dite « Maddie » Irigoyen, aurait pu être l’héritière de la maison Laxalt d’Aussurucq où elle naît le 17 février 1853. Elle va pourtant choisir une autre voie ou plutôt répondre à une voix, celle de son Seigneur. Entrée dans la Congrégation des Filles de la Croix à Bidache en novembre 1869, elle prend le nom en religion de Sœur Marie Nicéphore. 
Elle a à peine le temps de prononcer ses vœux, le 25 septembre 1871, qu'elle meurt brusquement le 23 novembre, à seulement 18 ans. Elle est inhumée au cimetière de Saint-Jean-Pied-de-Port.  

Sources : AD64
Illustration : Gallica.Bnf
Remerciements à Sœur Clotilde Arrambide de la Congrégation des Filles de la Croix à La Puye (86) pour ses précieuses informations sur Sœur Marie Nicéphore.

mardi 5 juin 2018

Une brigade de douaniers en Soule au 19e siècle (III)

La brigade d'Aussurucq, comme nombre de ses voisins, a eu son lot de drames pendant le temps où elle est restée au village. Ainsi apprend-t-on au détour d'une page, qu'un petit Ambroise, né le 28 août 1833 dans la maison Etchandy - celle qui abritait plusieurs familles de préposés - décède à 20 mois le 20 juin de l'année suivante. Son père est le préposé Jean-Pierre Etcheverry et sa mère, Marie Haritchelar. 

La femme d'un autre douanier, Jean Etchebest, met au monde une fille le 9 juin 1845 à Aussurucq. La petite Eugénie-Jeanne et ses frère et sœur aînés, Gabriel et Thérésine, ne connaîtront pas longtemps leur maman : Anne Elissabé meurt un an et demi plus tard, à 34 ans. Je n'ai pas retrouvé le dossier de carrière du père de famille mais il est présent au mariage de sa fille Eugénie à Licq-Athérey en 1866 où il s'est retiré depuis sa retraite et décédera en 1881.  

Le sommier de Jean Capdepont est assez complet si ce n'est l'absence de son lieu de naissance. On sait qu'il est né en mai 1800 et a été maçon avant de devenir douanier. Il commence sa carrière en novembre 1829 à Bidarray, rejoint Aussurucq en février 1833 et y restera jusqu'en novembre 1844, presque treize ans pendant lesquels naîtront trois filles dans la maison Etchandy. En plus de sa femme, Marie Uhart, la famille comptait à son arrivée une fille née à Lecumberry et une autre, à Bidarray. 

J'ignore si cette maison Etchandy - dont le nom signifie "grande maison", et il le fallait ! - existe toujours à Aussurucq mais je l'imagine résonner du galop de tous ces enfants dans les escaliers ! L'école publique où mon aïeul Dominique Irigoyen n'exerçait pas encore, a dû se réjouir du bond de ses effectifs. De nos jours, on aurait fermé l'école au départ de la brigade...

Le préposé Pierre Camarez, né en 1807 à Ogenne et marié à Marthe Capdevielle de Lannes, n'est resté que deux ans à Aussurucq entre 1834 et 1836. Sa carrière aura de toute façon été courte puisque son dossier indique qu'il prend sa retraite le 1er novembre 1839 après sept ans et six mois de service. A-t-il préféré reprendre son premier métier de maçon ? Père de quatre enfants, tous nés à Lannes entre 1832 et 1842, seule l'aînée a peut-être fréquenté l'école du village.

Les dossiers ou sommiers* que j'ai pu consulter au Musée national des Douanes de Bordeaux recèlent une foule de renseignements sur nos ancêtres douaniers : état civil, mutations, promotions, brigades de rattachement, traitements, niveau d'instruction, langues parlées (en Pays basque, basque bien sûr mais aussi français, gascon, parfois espagnol ...). 

Le plus cocasse se trouve sans doute dans les caractéristiques physiques. Je découvre ainsi que mon aïeul à la 6e génération mesurait 5 pieds 3 pouces (1,61 m). Ses cheveux et sa barbe étaient châtains, il avait un nez recourbé et un front haut. Sur un autre extrait plus détaillé, j'apprends même que son visage portait des marques de petite vérole !

Exemple de sommier, celui de mon AAAGP 
Quand on se frotte à la généalogie, on découvre très vite que l'exhaustivité est une vue de l'esprit ! J'aurais vraiment aimé reconstituer dans son intégralité la brigade d'Aussurucq durant la période choisie (1832-1848) mais la tâche s'avère trop ardue. Que ce soit aux archives ou au Musée des Douanes, il faut aussi jouer avec les lacunes, les variantes de noms, voire même les dossiers égarés...

A un certain moment, il faut savoir accepter les limites de l'exercice et dans le cas qui nous occupe, avoir plus ou moins retracé le parcours de treize douaniers, en en laissant seulement deux ou trois sur le bord du chemin, n'est déjà pas si mal. Désolée, MM. Léez et Sallaberry si je n'ai pas eu assez d'éléments pour vous rendre vie...
[Fin]

* Je tiens les copies de ces dossiers à la disposition de ceux qui m'en feraient la demande via le formulaire de contact du blog.  

Illustration : Préposé en "petite tenue" (gravure) Musée national des Douanes

lundi 4 juin 2018

Une brigade de douaniers en Soule au 19e siècle (II)

Tourner les pages d'un registre des naissances sur une période donnée plutôt que de "piocher" en fonction des recherches en cours, a l'avantage d'offrir une "radioscopie" de la commune et de remarquer quelques détails, situations ou protagonistes auxquels on n'aurait pas prêté attention autrement. Ainsi de deux préposés de la brigade d'Aussurucq à l'attitude en apparence bien différente...

En avril 1833, alors qu'il a déjà quitté la brigade d'Aussurucq pour celle de Sainte-Engrâce, le nommé Jean Esponda dit Saroïberry se présente à la mairie pour reconnaître une fille qu'il a eue six mois auparavant avec une jeune fille du village. Jean Esponda, originaire des Aldudes où il est né le 6 octobre 1807, semble avoir pris ses responsabilités sans aller toutefois jusqu'à épouser la mère de l'enfant. Celle-ci, devenue tisserande comme sa mère dont elle porte d'ailleurs le prénom, Marie, décèdera à Aussurucq à vingt ans. L'histoire ne dit pas si elle avait revu son père...

Un autre préposé déclare en février 1844, l'enfant d'une certaine Marie P., cultivatrice âgée de 38 ans, et d'un père inconnu. Le nouveau-né portera le prénom de Joseph qui se trouve être aussi celui de "notre douanier", Joseph Caritat. Né le 1er septembre 1800 à Domezain, marié depuis 1828 avec une certaine Elisabeth Alferits de Licq dont il a eu au moins trois enfants, il rejoint la brigade d'Aussurucq en 1834. Curieusement, après dix ans dans le village, il est muté le 1er juillet 1844. Simple coïncidence ou suspicion d'enfant adultérin ? Le doute demeure.

Le préposé Jean Agorreçabehere, né le 29 juillet 1807 à Baïgorry, est aussi fils de douanier. Il commence sa carrière le 1er janvier 1829 et a déjà connu sept (!) affectations quand il arrive à Aussurucq au début de l'été 1833. Il s'est marié en novembre de l'année précédente à Licq avec une demoiselle Luce Obiague d'Athérey. Eux aussi vont "donner" deux enfants à la commune, un garçon en 1835 et une fille en 1837. Ils quitteront Aussurucq deux ans plus tard pour Bidarray et la carrière de douanier de Jean s'arrêtera en 1854.

Dominique Ahetz-Etcheber ou Ahetcecheber (là, mon lecteur se dit que ces noms basques sont vraiment impossibles !) est né à Ordiarp le 13 mai 1810. Il fait deux séjours à Aussurucq entre septembre 1844 et décembre 1847, entrecoupé d'une mutation de six mois à Sainte-Engrâce (visiblement, les "RH" de l'époque se fichent comme d'une guigne des contingences familiales...). A Aussurucq, sa femme, Marguerite Ossiniry de Chéraute aura le temps de lui donner une petite Marianne en 1846 avant de repartir à Sainte-Engrâce avant Licq et Larrau. Il est admis à la retraite en 1862.

Pendant son temps à Aussurucq, Joseph Lafiosat, né à Moncayolle le 15 mai 1804, contribuera également à la "poussée démographique" du village. Il s'y marie en janvier 1834 avec une "locale", Engrâce Campané dite Etchetopé. Mon ancêtre Jean Dargain, père de Pierre, et sous-lieutenant des douanes en retraite, est témoin du mariage, la promise étant une parente du côté de sa première femme. De 1838 à 1846, le couple aura trois enfants nés à Aussurucq. Joseph prend sa retraite le 1er janvier 1862 à Sainte-Engrâce et décède trois ans plus tard dans sa maison Etchetopé d'Aussurucq.

Pierre Claverie naît le 26 avril 1809 à Hasparren. Fils de laboureur, il est domestique avant de s'engager dans les Douanes à l'âge de dix-huit ans. Alors qu'il est en poste à Issor, il se marie en août 1837 avec une native de Licq, Adrianne Mandagaran. Ils ont déjà deux enfants, garçon et fille de trois ans et dix mois lorsqu'il rejoint la brigade d'Aussurucq en novembre 1841. Il y restera sept ans et aura encore un fils et une fille nés dans la commune en 1838 et 1841, puis un dernier fils en 1849, à Licq. Entre temps, Pierre aura été affecté à la Division de Bordeaux avant de revenir au Pays basque où il prendra sa retraite le 1er février 1866.
[A suivre] 

Nota : Sauf indication contraire, toutes les communes évoquées se situent dans les Basses-Pyrénées (aujourd'hui Pyrénées Atlantiques) 

Illustration : Officier et douanier en grande tenue 1852-1870 (gabelou.com)