mardi 21 juillet 2020

Les 7 frères Ipharraguerre d'Estérençuby (V)

Le benjamin de la fratrie Ipharraguerre naît trois ans et demi après Louis. Prénommé Bertrand Philippe*, il voit le jour le 26 mai 1889 dans la maison familiale d'Estérençuby. Ses parents ont alors 46 et 43 ans et près de dix-huit ans le séparent de son aîné Pierre. Sans surprise, il est berger comme son père et ses six frères lorsqu'il est appelé sous les drapeaux. Son degré d'instruction est faible : 1, ce qui veut dire qu'il sait à peine lire. 

D'abord ajourné pour faiblesse en 1910, il est finalement rappelé en 1911 et versé dans le 1er régiment de zouaves d'Alger où il arrive le 16 octobre. Après Pierre en Argentine, Bertrand, Jean, Pierre, Michel et Louis en Amérique, le voilà posant le pied sur le sol africain. Décidément, il était écrit que les frères Ipharraguerre verraient du pays ! 

Zouave de deuxième classe, Philippe va prendre part pendant deux ans à des opérations militaires dans le Maroc occidental. C'est ce qu'on appellera la "campagne de pacification" ou, plus simplement, la Campagne du Maroc. Sous le haut commandement du Général Liautey, celle-ci visait à combattre les résistances de tribus marocaines à l'établissement d'un protectorat français (lequel aboutira finalement avec le Traité de Fès du 30 mars 1912).  

Le 18 septembre 1913, Philippe est rendu à la vie civile avec un certificat de bonne conduite. Réserviste, il reprend ses activités pastorales dans les estives d'Iramendy. Ses frères, Michel et Pierre sont rentrés d'Amérique trois ans auparavant pour épouser des filles du pays. On imagine la famille Ipharraguerre réunie autour de l'âtre de la maison Ampo, le père, la mère, les fils et les brus lisant les lettres des Amerikoanoak auxquelles sont peut-être jointes un mandat...      

Mais bientôt, les trois frères vont être happés par le tourbillon de l'Histoire et Philippe, pas plus que ses aînés, ne va échapper à l'ordre de mobilisation générale. Cette fois, il rejoint le 57e Régiment d'Infanterie, d'abord à Bayonne où il arrive le 3 août 1914 puis à Libourne. Le 57e dont la devise est "le terrible que rien n'arrête" sera de tous les combats de la Grande Guerre : Bataille de la Marne en septembre 1914, Verdun en 1916, Craonnelle en 1917, tristement célèbre pour ses 800 heures de combat, Somme puis Aisne en 1918.
Aucun fait d'armes mentionné dans le livret militaire de Philippe, pas de Croix de Guerre venue le distinguer comme ses frères Michel et Pierre. Un simple troufion qui fera toute la guerre, du Grand départ du 3 août 1914 au 3 novembre 1918 où il meurt des suites de ses blessures dans l'ambulance 6/18 à Nouvion et Catillon dans l'Aisne. Tombé pour la France à 29 ans.

Ainsi s'achève sur une note un peu triste l'histoire de ces 7 frères Ipharraguerre, sept destins de jeunes Basques de ce petit village de montagne pyrénéen où la Nive prend sa source.

Mais ceux qui s'adonnent à la généalogie savent que la page n'est pas toujours définitivement tournée. Qui sait si un jour je ne recevrai pas comme cela m'est déjà arrivé, un signe d'Argentine, d'Arizona ou d'ailleurs, qui me permettra d'en écrire la suite ?


Fin
* Pour simplifier, nous l'appellerons Philippe

Sources : AD64 (Etat civil et registres militaires) 
Campagne du Maroc : Wikipedia
Parcours du 57e RI : Chtimiste
MPLF : Mémorial GenWeb
Bibliographie : Les Poilus du Sud-Ouest "Le 18e Corps dans la Grande Guerre de Vincent Bertrand (Ed. Sud Ouest).
Illustrations : Cliquer dans la photo pour les deux premières, Delcampe.net pour la dernière.  

10 commentaires:

  1. Croisons les doigts pour que ce signe d'ailleurs arrive et pour que cette intéressante saga s'enrichisse encore !

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    1. Merci Béatrice de m'avoir lue et d'avoir pris le temps de commenter :)
      Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que cette histoire connaîtra des rebondissements ...

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  2. Merci pour cette belle histoire familiale. Formidables recherches et quel plaisir à lire ! BRAVO

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    1. Un grand merci Jean-No pour votre passage et ce commentaire qui m'encourage à continuer de raconter d'autres belles histoires ;)
      Marie

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  3. Les cinq épisodes de cette série sont passionnants. C'est génial de retrouver autant de traces des Sept frères, depuis le Pays Basque jusqu’au-delà de l’océan Atlantique.

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    1. Merci Marie pour ton commentaire et le partage sur Twitter, ravie que l'histoire t'ait plue !

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  4. Ravi de lire l'histoire de votre famille!
    Félicitations pour votre excellent travail.
    Je suis un descendant uruguayen d'un Ipharraguerre d'Esterencuby.
    Je serais intéressé de vous contacter pour vous demander où nos arbres généalogiques se joindraient. Mon email est: macibo@gmail.com.
    Beau dimanche pour vous et merci.

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    1. Merci Macibo, je vous contacte en MP. Lisez-vous bien le français, je peux vous écrire en espagnol si vous préférez ?

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    2. Bonjour!
      Je lui ai écrit par message privé, à travers la case à droite de son blog. J'espère que j'ai bien fait.
      Sinon, n'hésitez pas à écrire à l'email que je vous ai fourni.
      Merci beaucoup!

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  5. Bonjour,
    Je suis tombé par hasard sur cette "saga" depuis une page de Geneanet. Je suis moi-même arrière-petit-fils de Michel Ipharraguerre : il était le père de la mère de mon père. J'ignorais qu'il avait été un temps aux Etats-Unis et j'ignorais également que plusieurs de ses frères y étaient allés et restés. Merci pour ce travail ! Mon mail : iban.erguy@gmail.com (intéressé moi aussi par la généalogie !)

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