dimanche 25 octobre 2020

Quand un ancêtre "invisible" rajoute une branche à notre arbre

Dans un récent webinaire de MyHeritage, la conférencière Elise Lenoble énumérait les nombreuses sources permettant au généalogiste de retracer la vie d'un ancêtre "invisible". Mais d'abord, qu'entend-on par ancêtre invisible ? Juste quelqu'un qui, peut-être comme vous et moi, n'a jamais fait parler de lui de son vivant, que ce soit en bien ou en mal, n'a jamais connu comme le chantait si bien Brassens les "trompettes de la renommée", et dont la vie se résume à trois dates - et encore ! - de notre arbre : naissance, mariage et décès.

Ainsi de Pierre surnommé "Cadet" Apeceix dit Iriart. Dans mon arbre, c'est un collatéral très éloigné. Quand j'ai commencé ma généalogie, je ne m'intéressais pas vraiment à ces branches "secondaires" mais comme je partage mon arbre sur Geneanet, je pars du principe que ce qui ne me sert pas vraiment servira à d'autres. Et inversement.  

Les registres sous l'Ancien Régime étant très lacunaires pour les Pyrénées Atlantiques, je me sers énormément des minutes notariales. Nous, généalogistes basques et béarnais, avons la chance inouïe qu'elles aient été numérisées et accessibles sur le site des AD 64. Les plus anciennes remontent au 16e siècle mais on considère que les minutiers sont assez complets à partir de la moitié du 17e. 
Notre Pierre, donc, naît à Sunharette vers 1788 dans la maison Iriart de ce village de 121 âmes*, berceau d'une partie de ma famille souletine. Comme 90% des habitants, ses parents sont cultivateurs. Son père est son exact homonyme, Pierre Apeceix (son patronyme) dit Iriart (son domonyme). Sa mère, Marie Recalt dite Iriart, est native de Sunharette. Sauf erreur de ma part, ils ont eu sept enfants parvenus à l'âge adulte.
L'aînée, et future héritière de la maison, Marie, est la seule dont j'ai retrouvé l'acte de baptême, lequel indique qu'elle est née un 1er janvier (comme moi !) de l'année 1780. Elle et ses cadets naîtront tous sous le règne de Louis XVI sauf les deux derniers. Les chances pour moi de reconstituer cette fratrie étaient quasi nulles si Pierre n'avait décidé de faire son testament.
Le 10 février 1826, Pierre qui n'a pas 40 ans, est laboureur au Bordar d'Epilune à Alçay, un village voisin (les communes d'Alçay, Alçabehety et Sunharette fusionneront en 1833). Mais c'est dans sa maison natale Iriart de Sunharette que Maître Jean-Baptiste Detchandy (1777-1848), notaire royal (Charles X est au pouvoir) à Abense-de-Haut, se rend au chevet du malade, accompagné de trois témoins. 
Le testament court sur cinq pages dans lesquelles le notaire transcrit les dernières volontés de Pierre.  Les différents legs à ses neveux et nièces, filleul.es, frères et sœurs et à sa mère encore vivante (le père de famille est décédé cinq ans auparavant) vont me permettre de dénouer un à un les fils de cette branche. Pierre dont l'acte de décès mentionne qu'il était marié (ce que je n'ai pu vérifier), n'a vraisemblablement pas eu d'enfants mais s'est montré à la fois généreux et équitable pour sa nombreuse famille !
J'ai donc pu établir qu'il avait eu deux frères, Pierre Iriart dit Sorhondo, marié à Engrace Oxibar, métayer à Suhare puis cultivateur à Camou, dont le fils Pierre était un filleul ... de Pierre. L'autre frère, Jean, domestique à Suhare au moment du testament, était lui marié à une Luce Irigoyen dite Ardoy de Cihigue. La sœur aînée, Marie, s'est mariée avec Jean Etcheto dit Iriart, maire du village de Sunharette, et le couple aura également sept enfants dont l'aînée est la filleule de Pierre.
La cadette Christine épouse en 1807 un Pierre Mendiondo de Menditte et ce couple de métayers donnera naissance à neuf enfants dans toute la Soule avant de se fixer à Roquiague. L'un des fils se prénomme Pierre comme son parrain qui ne l'oublie pas non plus !
Une autre sœur, Thérèse, se marie en 1814 avec un Jean Haritchague dit Curutchet de Sibas. Je ne leur ai trouvé qu'une fille, Magdeleine, autre filleule de Pierre. Enfin, la benjamine, Elisabeth, épouse en 1824 un forgeron de Lacarry, Dominique Carricart. Le couple aura quatre enfants. Les deux sœurs, Thérèse et Elisabeth, décéderont la même année de 1869 à deux mois d'écart. Leur sœur aînée Marie est morte vingt ans plus tôt.  
On le voit, un simple testament d'un ancêtre "invisible" peut nous permettre de débloquer une branche entière pour peu qu'il soit aussi détaillé. Dans d'autres cas, c'est un contrat de mariage qui jouera le même rôle. Quant à Pierre Apeceix dit Iriart, il est décédé dans sa maison natale le 13 février 1826 soit trois jours après avoir dicté son testament. Grâce lui soient rendues !

* Recensement de 1793 (Wikipedia)

Illustration : José Arrue "La sortie de l'église"
Sources
Webinaire de MyHeritage 
AD 64 (Etat civil et Minutes notariales)

6 commentaires:

  1. Les archives de notaire sont effectivement d'un fort intérêt lorsque les registres paroissiaux sont lacunaires. C'est une belle chance que ces archives remontent aussi loin dans le 64 ! Une question que je me pose : les actes les plus anciens ne sont-ils pas trop compliqués à transcrire ?

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    1. La principale difficulté réside dans l'écriture des notaires et aussi certaines coutumes que je ne connais pas bien. Il m'est arrivé d'envoyer l'acte à Isabelle Louradour (Gen&O) quand je ne comprenais pas tout...

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  2. Un MENDIONDO Pierre est parti à La Havane en 1838 à 30 ans.
    Passeport, lien: https://archives.gironde.fr/archive/resultats/passeports/n:245?RECH_Origine=menditte&type=passeports

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    1. Merci "Anonyme" mais dommage que vous le soyez resté.e, je vous aurais bien demandé pourquoi vous vous étiez intéressé.e à ce Pierre Mendiondo parti à Cuba. Mes recherches pour retrouver sa trace n'ont rien donné jusque là :(

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  3. Toujours un plaisir de te lire Marie. Et la généalogie basque me fait découvrir un volet des enquêtes généalogiques que je ne connais pas !
    Et tous ces patronymes & domonymes basques, j'adore!!
    Et ce testament miraculeux 3 jours avant le décès !!
    Peut-être que tu devrais faire un peu de psychogénéalogie sur cette Marie née un 1er janvier... comme toi :)

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    1. Merci Stanislas pour ta fidélité et ton commentaire toujours aussi pertinent ;=)
      Oui, c'est fou tout ce que peut nous apprendre un simple testament rédigé par ce Pierre qui devait être un bon gars si on en juge par tous ses filleuls et filleules !

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