- Non, je l'ai acheté il y a une trentaine d'années à Saint-Jean-Pied-de-Port, nous étions en vacances avec ton fils qui était tout petit, on lui avait mis un béret rouge, il en était très fier !
- Oui, je m'en souviens, il devait avoir trois ans. Donc, ce n'est pas ton père qui t'a transmis son makhila ?
- Je te rappelle que ton grand-père était le dernier d'une famille de onze enfants et qu'il a fait toute sa carrière comme cheminot, il n'en avait pas les moyens ! Tu as une idée de combien ça coûte un makhila ?
- Non, pas vraiment...
- Chez Ainciart Bergara à Larressore qui en fabrique depuis deux siècles, les premiers prix sont à 300 euros et un makhila d'honneur vaut facilement le double ! C'est qu'il en faut du temps pour fabriquer un makhila. D'abord, travailler la tige de néflier. Souple et solide, c'est le bois qu'ont choisi nos ancêtres dès le début pour ce bâton de marche. Les tiges sont scarifiées à même l'arbre. Il faut ensuite l'écorcer, le colorer et le séchage peut prendre dix ans ! Il faut aussi travailler le cuir pour la poignée et la dragonne et le tresser en fines bandes, et enfin la virole est découpée dans une plaque de métal, mise en forme autour de la tige et poinçonnée. La mienne est ornée d'un lauburu, d'une croix basque, si tu préfères".
"Le makhila était vraiment indissociable de la vie des Basques pendant longtemps. J'ai trouvé sur Gallica toute une série de gravures datant de 1828 représentant des personnages de l'époque dont plusieurs s'appuient sur leur makhila. Un historien disait qu'il remplaçait les dards, piques, poignards et épées. Car ce n'était pas qu'un bâton de marche, c'était aussi une arme, non ?
- La pique servait d'abord à aiguillonner les bœufs pour les faire avancer mais le makhila devait aussi servir à se défendre. Il ne s'agit pas de canne-épée à proprement parler mais on pouvait assommer quelqu'un avec la canne ou le pommeau ou bien le blesser avec la pointe !
- Tu ne crois pas si bien dire, et là, Papa, je pense que c'est moi qui vais t'apprendre quelque chose !
- Tu ne crois pas si bien dire, et là, Papa, je pense que c'est moi qui vais t'apprendre quelque chose !
- Ah ?
- Oui, figure-toi qu'en 1903, un Pierre Eppherre d'une branche différente de la nôtre, en pleine force de l'âge (il avait 45 ans), ancien maire d'Ordiarp, a été agressé alors qu'il revenait de la foire de Mauléon, à hauteur de Garindein. Deux bohémiens l'ont attaqué à coup de makhila et détroussé. La pauvre homme n'a pas survécu à ses blessures.
- Et on les a retrouvés, ses agresseurs ? Oui, ils ont été arrêtés par la gendarmerie d'Espès-Undurein très vite après. On a trouvé sur eux la bourse et la ceinture du malheureux. Il faudrait que je fasse des recherches dans les registres d'écrou pour savoir de quelle peine ils ont écopé mais comme leurs noms n'ont pas été mentionnés dans la presse...
- Ça ne ramènera pas le pauvre homme à la vie...
- Oui c'est sûr, d'autant que ça s'est passé il y a plus d'un siècle !"
- Oui c'est sûr, d'autant que ça s'est passé il y a plus d'un siècle !"
Il restait une question que je n'avais pas posée à mon père : auquel de ses quatre petits-fils transmettrait-il son précieux trésor ? Le connaissant, probablement à celui qui saurait le plus l'apprécier...
Illustrations :
Photo 1 : Delcampe, cartes postales anciennes : types basques
Photo 2 : Makhila Ainciart Bergara (je n'ai pas eu de réponse à ma demande de reproduction de cette photo que je retirerai si nécessaire).
Photo 3 : Bilketa, Portail des Fonds documentaires basques
Photo 4 : Presse ancienne dans Gallica (Le Figaro du 18 décembre 1903)
Sources : AD 64, Makhila Ainciart Bergara, Bilketa
Illustrations :
Photo 1 : Delcampe, cartes postales anciennes : types basques
Photo 2 : Makhila Ainciart Bergara (je n'ai pas eu de réponse à ma demande de reproduction de cette photo que je retirerai si nécessaire).
Photo 3 : Bilketa, Portail des Fonds documentaires basques
Photo 4 : Presse ancienne dans Gallica (Le Figaro du 18 décembre 1903)
Sources : AD 64, Makhila Ainciart Bergara, Bilketa
Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante: je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral. Ce mois-ci, je l'ai doublé du #Geneatheme proposé par Sophie Boudarel de la Gazette des Ancêtres sur les objets familiers et leur transmission.
Merci pour cet intéressant billet qui m'a permis d'aller m'évader sur le net afin d'en connaître un peu plus sur cet objet que je découvre. Un bien joli rendez-vous ancestral.
RépondreSupprimerMerci Béatrice, ravie d'avoir suscité ta curiosité :)
SupprimerUne découverte pour la non-basque que je suis.
RépondreSupprimerRencontre-échange sur un objet, son histoire, qui concilie ainsi 2 thématiques.
Milesker Françoise, l'objet s'est imposé à moi quand j'ai su quel était le #geneatheme du mois, et le prétexte à un #RDVAncestral avec mon sosa 2 a été tout trouvé ;=)
SupprimerJ'apprends un peu plus dans le détail ce qu'est un makhila grâce à ton rendez-vous ancestral. Un outil multi-usage en quelque sorte !
RépondreSupprimerC'est ça, Sébastien, un "couteau suisse" basque comme l'a fait remarquer Jean-François ;)
Supprimermerci pour cette découverte d'un objet traditionnel basque, magnifique qui plus est !
RépondreSupprimerGrazie Nathalie, oui, c'est un très bel objet. Ecrire ce billet m'a donné envie de visiter l'atelier du fabricant quand toute cette crise sera derrière nous...
SupprimerBravo pour ce splendide article dialogué! Le makhila, que j'ai découvert ici, pourrait être baptisé "Couteau suisse basque" tant il est multifonction!
RépondreSupprimerAh, ah, excellente idée que ce couteau suisse basque, Jean-François, je retiens !
SupprimerAlors franchement là je suis épaté par l’écriture. Je suis tout de suite rentré dans le dialogue et j’en suis sorti plus riche de connaissance. Tu me fais rentrer dans un monde que je méconnais totalement n’ayant pas d’ancêtres basques. Ça doit être d’ailleurs une des rares régions qui n’a pas été foulée par mes ancêtres.
RépondreSupprimerBref, des articles comme ça, on en redemande !
Tu vas me faire rougir Stanislas ! Depuis notre expérience de #RDVAncestral à quatre mains, tu sais pourtant que le dialogue est une forme d'écriture qui me convient ;=)
SupprimerOn apprend toujours quelque chose d’intéressant en lisant ce blog. Et chaque fois, cela me donne envie de marcher sur les chemins du pays basque, avec Marie comme guide !
RépondreSupprimerPromis, Marie, quand tout ceci sera fini, je te servirai volontiers de guide si tu viens au Pays basque :)
SupprimerJe plussoie 😉 Stanislas
RépondreSupprimerTrès clairement on en redemande !
Le pays basque est une des régions qui bouscule souvent notre imaginaire ... nous lointains picards
Milesker Asavar, ravie de t'avoir fait voyager virtuellement par les temps qui courent ;=)
SupprimerC'est toujours un plaisir que ces visites guidées dans ce beau pays à la personnalité si affirmée. Cette lecture me donne envie de déguster quelques ilar gorria, axoa et autres garbures.
RépondreSupprimerTu me mets l'eau à la bouche Catherine ! On a eu la chance de passer un week-end à St-Jean-de-Luz un mois avant le confinement où on a pu déguster pintxos, piquillos et autres chipirons à l'encre :)
Supprimer