Il arrive souvent en généalogie d'être confronté au hasard des registres à de véritables tragédies familiales vécues par nos ancêtres. Le cas des décès d'enfants en bas âge est le plus fréquent et, des années de recherches après, ne nous laisse toujours pas indifférent. J'avais déjà évoqué dans un billet intitulé "Quand le sort s'acharne sur une famille" l'histoire d'une mère et de ses trois filles décédées à Béhorléguy en 1874.
Récemment, deux pages d'un registre d'actes de décès à Ossès ont attiré mon attention : le père, la mère et deux de leurs six enfants meurent entre le 23 et le 28 août 1855. J'ai d'abord pensé à un incendie de leur maison mais des recherches à des dates postérieures ont infirmé cette hypothèse : la fille aînée, Marie, âgée de 17 ans à la mort de ses parents et de ses petits frères, devient héritière quelques années plus tard de la maison Péritsh du quartier Ouhaïts d'Ossès.
Reste l'hypothèse d'une maladie contagieuse expliquant le décès de quatre membres d'une même famille la même semaine. Je m'en ouvre sur mon fil de généalogie Twitter et aussitôt plusieurs de mes contacts m'apportent la réponse : 1854 et 1855 sont des années où la France a été frappée par une terrible épidémie de choléra encore plus meurtrière que celle de 1832.
"Au cours du 19e siècle, alors que la population s’habituait depuis près d’un siècle à vivre sans épidémie, le choléra refait son apparition en France. La première vague en 1832-1834 frappe essentiellement Paris et le nord de la France (120 000 décès en 1832)".¹ En 1853-1854, une deuxième vague touche la France, faisant 143468 victimes.
Au Pays basque, l'épidémie semble s'être propagée depuis d'Espagne. "Les Bayonnais apprennent ainsi en décembre 1854 qu’un foyer épidémique existait à Peyrehorade (Landes), sans doute apporté par les Espagnols ou du moins par les échanges commerciaux avec les pays au sud des Pyrénées. [...] Dès la mi-août (1855), les nouvelles du choléra sont rapportées par les sources d’informations. Les familles espagnoles ne cessent d’arriver en nombre de Madrid et d’autres villes du pays. Les mesures prophylactiques ne suffisent plus à enrayer la maladie. On dénombre déjà des victimes à Mauléon, Saint-Etienne-de-Baïgorry et Tardets. Les courriers et enveloppes adressés par Napoléon III mentionnent désormais "Bayonne et Mauléon atteints de l’épidémie" .²
Mais revenons à notre petite famille. Guillaume Etchemendy, né à Béhorléguy en 1803, a épousé le 29 janvier 1837 à Ossès Marie Harostéguy de neuf ans sa cadette et héritière par sa mère de la maison Péritsh. Ossès est alors un gros bourg Bas-Navarrais de 2000 habitants*. En août 1855, lorsque la foudre s'abat sur ce couple de cultivateurs, ils ont six enfants encore vivants âgés de 17 ans à 9 mois. La maladie va frapper dans l'ordre la maman le 23, puis le benjamin Jean Gazté le 24 et enfin, le 28, le père et un garçonnet de sept ans également prénommé Jean.
Les quatre enfants restants sont confiés à leur oncle paternel Jean dit Gachté, cultivateur et maître de la maison Teilleriborde de Mendive. Il sera mentionné comme tuteur de ses neveux lors du mariage de Marie en 1858 et de Jean en 1869. Une autre Marie se mariera à Mendive en 1883 mais étant majeure, son oncle et probable tuteur n'est pas mentionné dans l'acte de mariage.
Dans cette fratrie, je n'ai pas réussi à retrouver la trace de Jacques, né à Ossès le 7 mars 1845 et donc âgé de dix ans au moment des faits si toutefois il était toujours en vie... A noter aussi, qu'une tante maternelle de la maman, Jeanne Arrossa, veuve Lahore, 75 ans était décédée le 4 août 1855 soit trois semaines auparavant. A-t-elle été la première victime de la famille ? Difficile à dire...
* Entre les recensements de 1851 et 1856, la commune perd 151 habitants, probablement à cause du choléra.
Illustration : Couverture du "Petit Journal" du 1er décembre 1912
Sources :
¹ In Baskulture.com : Inondations et choléra à Bayonne en cette "sombre" année 1855
² In Ville de Gan (64) : Un épisode de choléra à Gan à l'automne de 1855
Journal de la société de statistiques de Paris : Note statistique sur le choléra de 1832, 1849 et 1854
Registres d'état civil : AD64
Un grand merci Marie pour cet article qui me touche beaucoup car ce sont mes ancêtres.
RépondreSupprimerJe me souviens encore du jour où j'avais trouvé ces actes. J'avais beaucoup pensé à cette famille.
Je l'ignorais, Christine mais je pensais justement à toi en relisant mon article sur la mortalité infantile. Les Curutchet/Béhety de Barcus alliés des Eppherre c'est aussi ta famille, non ?
SupprimerDes Curutchet j'en ai trouvé mais je ne suis pas sûre que ce soit enligne directe.
RépondreSupprimerMessage posté également sur la page FB de Archives Publiques Libres.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé les mêmes informations que toi, rien trouvé non plus sur Jacques né en 1845.
En revanche Jeanne ARROSSA veuve LAHORE est fille de Dominique et Gracianne PEILLO
Marie ARROSSA X Guillaume ETCHAMENDY est la fille de de
Bernard Harostegui, demeurant au quartier d'Ahaice en Ossés, fils de la maison de Sastria du quartier d'Eyharce en Ossés et de Jeanne Arrossa cadette de la maison de Leritz,.
Jeanne ARROSSA mère de Marie est née de Bernard et Jeanne OUNAANDI (Je pense qu'il s'agit du nom JOANAHANDY).
Milesker Christine pour toutes ces précisions !
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