mardi 12 juin 2018

Saint-Jean-le-Vieux - Buenos Ayres - Saint-Jean-le-Vieux

Lorsque ma grand-mère paternelle Marie-Anne Etchemendy (1912-1977) est décédée à Bordeaux, son fils aîné, mon père, a fait passer un avis dans le journal Sud-Ouest, s'attirant les foudres d'une de ses tantes qui lui reprochait de ne pas associer à ce faire-part la branche Biscaïtchipy. Je me souviens de la réaction de mon père qui ne céda pas et de celle de ma grand-tante qui répara l'erreur en republiant un avis comme elle le voulait, le lendemain ! 

Longtemps après, quand je me suis intéressée à cette branche, mon père m'a dit en substance : "Ah, je ne pensais pas que ces Biscaïtchipy nous étaient finalement si proches." Eh oui, la mère de sa grand-mère qu'il avait bien connue, Gratianne Urritzaga, s'appelait Dominica Biscaïtchipy. Elle portait un drôle de nom qui nous avait amusé mon frère et moi lors de l'"incident diplomatique" évoqué plus haut. 

Comme toujours avec le basque, au fil des siècles et de l'imagination des curés ou des employés d'état civil, on retrouve le nom sous la forme Biscaïttipy, Biscaïchipy ou Biscaïtchipy ce qui étymologiquement pourrait signifier "petit côteau" de "ttipi" (petit) et "bizcar" (côteau, crête, col). Si je me fie à Geneanet, seule notre branche établie à Saint-Jean-le-Vieux à partir du début du 19e siècle, a hérité d'un "t" en plus, tout comme nos Urri"t"zaga.

Cette longue introduction pour évoquer mon "sosa 46", tiré à la "roulette des ancêtres" (*), Jean Biscaïtchipy dit Gachte c'est-à-dire "blanc bec", surnom qui lui venait peut-être de son rang de petit dernier de sa fratrie. Jean naît le 10 septembre 1828 dans la maison familiale Larrondoa du quartier Çabalce de Saint-Jean-le-Vieux (Basses-Pyrénées), village mitoyen de Saint-Jean-Pied-de-Port en Basse-Navarre.

Benjamin d'une fratrie de six enfants issue de Jean Biscaïtchipy (1781-1857), originaire de Saint-Michel et de Gratianne Coillet (ca 1794-1862) mariés en 1813 à Saint-Jean-le-Vieux, il est précédé par quatre sœurs et un frère. A une époque indéterminée jusqu'à ce jour mais que je situerais au début des années 1850, peut-être pour échapper à la conscription, il prend son billet pour l'Argentine. Plus probablement, il débarque à La Plata et de là, s'établit à Buenos Aires.

Est-ce là qu'il rencontre sa future épouse, Marianne Saroïberry dite Sallaberry, née aux Aldudes en 1832 ? C'est ce que laisse penser leur acte de mariage qui n'interviendra que le 19 février 1871 à Saint-Jean-le-Vieux alors qu'il a déjà quarante-deux ans et sa femme, trente-huit. De l'intérêt de lire attentivement un tel document, on y découvre au verso la reconnaissance de deux enfants, une fille, Dominica née le 19 octobre 1861 à Buenos Ayres (sic) et un fils, Laurent, né le 7 novembre 1870... à Saint-Jean-le-Vieux.

A défaut de savoir pourquoi mon aïeul est parti en "Amérique" et combien de temps il y est resté, j'ai une petite idée de la raison qui l'a fait rentrer. En consultant les actes de décès de la commune, je me suis aperçue qu'alors que ses parents Jean et Gratianne étaient décédés respectivement en 1857 et 1862, en 1866, un événement va bouleverser la vie des habitants de la maison Larrondoa.

Charles Biscaïtchipy, le "maître" depuis la mort de ses parents, et sa sœur Jeanne, tous deux célibataires, disparaissent à deux semaines d'écart. Ils n'ont pas cinquante ans et la cause de leur décès n'est pas indiquée. La seule sœur survivante (une autre est décédée en 1855) a-t-elle alors prié son frère cadet de revenir pour reprendre la ferme familiale ? On ne peut que le supposer.

Dans le contrat de mariage de mes arrière-arrière-grands-parents, Martin Urritzaga et Dominica Biscaïtchipy, le 23 novembre 1882, il est clairement indiqué que les parents de cette dernière sont propriétaires de la maison Larrondoa dans le quartier Çabalce. Ce sont des cultivateurs que l'on peut qualifier d'aisés puisqu'en échange d'un quart de leur domaine et dépendances, leur futur gendre apporte une dot de deux-mille-quatre-cent-francs. 

Jean Biscaïtchipy dit Gachte s'éteindra dans sa maison le 18 mai 1907, huit ans après sa femme Marianne, entouré de sa fille, de son gendre et de ses sept petits-enfants dont mon arrière-grand-mère Gratianne était l'aînée. Aura-t-il eu le temps de voir partir ses petits-enfants Urritzaga à La Plata poursuivant ainsi son rêve américain interrompu ? Il me plaît de le penser...

(*) Dans le cadre du Généathème du mois de juin, Sophie Boudarel, généalogiste professionnelle, propose de tirer au sort un numéro sosa de sa généalogie grâce à son générateur de nombre aléatoire, et de raconter l'histoire de l'ancêtre correspondant. Son "making-of" m'a bien aidé aussi à compléter mes informations.

Illustration : Carte postale ancienne de Saint-Jean-le-Vieux (Delcampe.net)
Sources AD64 (Etat civil et Minutes notariale)Gen&OFamilySearchGeneanet. 
Sur l'Emigration basque en Argentine, lire "Diaspora basque, la huitième province"

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