dimanche 21 janvier 2018

Un prénom rare mais classique

Il n'aura pas échappé à la sagacité du lecteur qu'un prénom revient souvent dans ma généalogie, celui d'Engrâce. Comme la soeur de mon arrière-grand-mère Elisabeth Irigoyen ou, avec ses variantes, Gracieuse, Gracie mais aussi Gratianne comme mon autre arrière-grand-mère Gratianne Urritzaga. Parfois écrit Gracianne, il devient Graciana en Pays basque espagnol ou en Amérique du Sud.

L'équivalent masculin - plus rare - est Gratien ou Grat. J'avoue que la première fois que je suis tombée sur un Grat, sans mauvais jeu de mots, je me suis gratté la tête...  
Engrâce - avec ou sans accent circonflexe - est typiquement basque. Normal, d'après Junes Casenave-Harigile, de l'Institut culturel basque eke-icb, Sainte Engrâce, née à Saragosse, était une jeune noble probablement d'origine basque. Selon d'autres sources, elle serait portugaise, va savoir. 

Là où s'accordent les spécialistes, c'est qu'elle fut martyrisée à Saragosse en 304 du temps des persécutions des chrétiens sous l'empereur Maximien "Hercule" à Rome. Alors qu'elle se rendait en Gaule pour épouser un duc de la région de Narbonne, elle fut arrêtée par les gardes du proconsul Dacien avec dix-huit de ses compagnons.

Je vous passe le détail des supplices qui lui furent infligés - on connaît la créativité des bourreaux romains dans le domaine - mais son corps fut conservé dans la cathédrale de Saragosse. C'est là que la légende devient intéressante, son bras serti de pierres précieuses aurait été dérobé par des voleurs qui le cachèrent dans le creux d'un arbre dans le petit village d'Urdats en Haute Soule.

Des bergers du coin remarquèrent alors qu'un bœuf passant près de l'arbre s'agenouillait (!) devant et que ses cornes s'illuminaient. Devant le miracle, les bergers fouillèrent le tronc et trouvèrent la relique enfouie de la sainte et à cet endroit, une église fut édifiée. Urdats fut rebaptisé Sancta Engratia de Sumopuerto (Sainte-Engrâce du sommet du port*) puis plus simplement Sainte-Engrâce ou Santa Grazi en basque.

L'historienne spécialiste d'art médiéval Maritchu (variante du prénom Marie) Etcheverry, nous dit que l'église fondée en 1085 est un "témoin exceptionnel de l'art roman". Bâtie sur le chemin de Compostelle, on lui adossa un hôpital pour les pèlerins. En 1841, elle fut classée Monument Historique par Prosper Mérimée.

Très en vogue aux 19e et 20e siècles, le prénom Engrâce tend à disparaître aujourd'hui. Ou plutôt à revenir sous des formes de basque moderne comme Engrazia, Grazi ou Grazia.

Sainte Engrâce est célébrée le 16 avril.

* Port signifie ici col, lieu de passage comme dans Saint-Jean-Pied-de-Port.

Illustration : Delcampe.net "Sainte-Engrâce - La sortie de la messe" (non daté)
Sources : Diocèse de Bayonne, La République des Pyrénées (article du 26/12/2011), Office de tourisme de Sainte-Engrâce (64) 

2 commentaires:

  1. Des prénoms pleins de grâce qui évoquent par ailleurs Grace, Graziella...

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  2. @Briqueloup, pas sûr Marie que que je l'aurais donné à ma fille ;=)

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