samedi 13 février 2016

Dominique Irigoyen, hussard noir de la République (II)

Hussard noir de la République - Origine inconnue
Nous sommes fin 1873, début 1874. Je penche pour la construction d'une nouvelle maison, plutôt que l'achat d'un bien existant, justement à cause de cette plaque devant l’âtre sur laquelle mon arrière-arrière-grand-père fait apposer son nom. Dominique Irigoyen a alors 45 ans, c'est un homme dans sa maturité, notable de sa commune et père de famille nombreuse. Et aussi un instituteur public de la IIIe République dans un pays basque très croyant. 

C'est à Charles Péguy que l'on doit l'expression "les hussards noirs de la République. Dans un article de 1911, il livre une description émue de ces héros ordinaires nés dans le contexte des lois Ferry du début des années 1880 : "De tout ce peuple les meilleurs étaient peut-être encore ces bons citoyens qu’étaient nos instituteurs. Il est vrai que ce n’était point pour nous des instituteurs, ou à peine. C’étaient des maîtres d’école […] Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes ; sévères ; sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence." 

En 1864, huit instituteurs et quatre institutrices du département des Basses-Pyrénées (aujourd'hui Pyrénées Atlantiques) ont obtenu des distinctions honorifiques. Parmi eux, Dominique Irigoyen, d'Aussurucq obtient la mention honorable*. A noter aussi que son nom apparaît souvent comme traducteur de textes basques en français. Ainsi de ce recueil* de "Légendes et récits populaires du Pays Basque" de M. Cerquand, pour lequel il assure la transcription de récits recueillis en basque.
  
Dominique fait aussi office de secrétaire de mairie. Pendant quelques décennies, son nom et sa signature apparaissent dans de nombreux actes de l'état civil de la commune d'Aussurucq. Deux mois avant ses 49 ans, le 22 octobre 1877, Marie-Jeanne, elle-même âgée de 44 ans, lui donne un quatorzième enfant, un garçon prénommé Jean-Pierre.

Vingt ans plus tard, plusieurs fois grand-père, ayant vu mourir un fils gendarme à l'âge de 30 ans et deux de ses fils partir tenter leur chance au Chili, on l'imagine en patriarche, assis sur le zuzulu** près de la cheminée qui porte son nom et intriguera longtemps ses descendants ... Il ne rechigne sûrement pas non plus à donner un coup de main à ses gendres et voisins paysans.     

Le 9 juin 1898, en fin de journée, il prend son makhila*** et se rend à pied au village voisin d'Idaux-Mendy distant de cinq kilomètres. C'est là qu'il s'écroule, à 19 heures, selon les témoins, un garde-forestier et un cultivateur. Juste à la hauteur de l'école publique, se souviendra des années plus tard l'une de ses arrière-petites-filles...  
  
 * Sources : Gallica 
** Zuzulu : banc-coffre typique des foyers basques
*** Makhila : bâton de marche traditionnel basque en néflier. Sa poignée contient une pointe qui en fait une arme redoutable...

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