dimanche 3 février 2019

Biziak oroit hiltzeaz (III)

Ceux qui me connaissent savent que je suis plutôt "cartésienne". Je ne crois pas trop aux "forces de l'esprit" comme disait un ancien Président, mais je dois admettre que les recherches autour de cette famille m'ont laissé un sentiment de malaise, à la limite de la fascination morbide. Le fait que je ne trouve aucune issue optimiste à cette histoire me perturbait.

Et puis par la magie des réseaux, un premier correspondant m'a fourni la date de décès de Jean Pierre ce qui, dans un premier temps, a encore contribué à me décourager. Sa fiche matricule nous apprenait que le pauvre garçon, petit - il mesurait 1m54 - et de mauvaise conformation (sic), avait été ajourné pour "faiblesse" et était décédé le 3 décembre 1893 à Talence. Fermez le ban. 

Mais si l'armée n'en avait pas voulu, il n'en fut pas de même d'une Demoiselle Marie Jeanne Julie Cassin, une parisienne de 24 ans, qu'il rencontra à Talence. Le jeune couple se marie dans cette banlieue de Bordeaux le 28 juillet 1890. Il faut dire que le temps pressait car un petit Jacques Emile pointait son nez le 27 septembre, à peine deux mois après la cérémonie.

J'ignore ce que faisait le couple, domicilié rue des Visitandines (une rue qui n'existe plus à Talence) mais lui est employé, elle ouvrière, peut-être dans ces usines comme la Biscuiterie Olidet ou la Conserverie Duprat et Durand [photo] très actives en cette fin de 19e siècle industrieux. Avant que la mort ne frappe encore à leur porte, ils auront le temps d'avoir un autre enfant, une petite fille.

Son père aura profité un peu de la petite Jeanne Berthe Amélie née le 8 août 1892 à Talence. Les mentions marginales de son acte de naissance nous renseignent un peu sur sa vie : elle se marie en 1922 avec un monsieur Jean Allard à Saint-Julien-Beychevelle dans le Médoc où elle décèdera le 15 novembre 1947. En revanche, aucun renseignement sur l'acte de son frère Jacques dont je n'ai pas retrouvé non plus le livret militaire.

Tous comptes faits, la vie s'est tout de même imposée dans le destin tragique de cette famille dont je me plais à penser qu'elle aura eu des descendants...

Mais le plus troublant restait à venir. Un autre internaute m'a adressé un avis de décès paru dans la "Petite Gironde" sur le site RetroNews, grâce auquel j'ai découvert que la mère de Jean Epherre, née Catherine Syndicq-Peyronne à Aramits, s'était rapprochée de la famille et qu'elle aussi était décédée à Bordeaux fin 1882. Que cette grand-mère béarnaise vienne prêter main forte à cette famille en détresse m'a plutôt rassurée.

Et quelle n'a pas été ma surprise de découvrir que son adresse était à quelque chose près ... la même que la mienne aujourd'hui ! La famille habitait ma rue ou pour être exacte, le prolongement de celle-ci. De là à penser que ces fameuses forces de l'esprit auxquelles j'avais du mal à croire se soient invitées dans ce récit ... je vous laisse juges.  
[Fin]

lllustration : Usine Duprat & Durant (conserveries et salaisons), Talence, Gironde (delcampe.net)
Sources : AD 64, AD 33, Archives Départementales de Bordeaux-Métropole, Gen&O, Filae.
Bibliographie : Dominique Dussol, "Saint-Genès-Nansouty", Ed. Le festin (novembre 2018) 

10 commentaires:

  1. Troublant cette histoire de rue !
    Je suis peut-être un peu moins cartésien que toi (sans être totalement mystique quand même!), mais je suis persuadé qu'il existe des liens, sans savoir lesquels, entre nos ancêtres, collatéraux et nous-même. En tout cas, merci pour ce dernier article qui se finit sur une note plutôt positive !

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    1. Oui, c'est effectivement troublant. Je connaissais mal ce quartier quand je suis revenue m'installer à Bordeaux, il y a 8 ans. A travers les actes de cette famille, je l'ai vue se "rapprocher" de moi petit à petit jusqu'à arriver dans ma rue !

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  2. Texte émouvant, écrit joliment et avec humour. Je suis enchanté de découvrir ainsi ton histoire et ta famille. Belle journée à toi et à tes proches.

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  3. Qui sait des descendants habitent peut etre tout pres et vont te contacter .... Qui sait ce qui nous pousse à ra nous attacher plus a telle ou telle famille ....

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    1. Ce n'est pas impossible ! Il se trouve que ma plus proche voisine porte le nom du mari de la seule de cette famille à avoir connu le XXe siècle ! J'attends de la croiser pour lui demander si ça lui dit quelque chose ;=)

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  4. Quelle coïncidence, tu dois penser à eux encore plus souvent !

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    1. Oui, c'est vrai que quand je me promène dans le quartier, ils occupent mes pensées !

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  5. Ces coïncidences sont vraiment troublantes... mais les voies de la généalogie sont impénétrables 😉

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    1. Tu as raison, Evelyne, et c'est ce qui en fait tout le charme :)

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