vendredi 1 juin 2018

Une brigade de douaniers en Soule au 19e siècle (I)

A l'occasion de recherches au Pôle d'archives de Bayonne et du Pays basque, je me suis intéressée aux recensements de population de la commune d'Aussurucq en Soule, berceau de la famille paternelle de mon père. Une observation en conclusion du recensement de 1851 a attiré mon attention.

En bas de la liasse, Monsieur Bastereix, maire de l'époque, mentionne : "La population a diminué de 24 habitants depuis le dénombrement de 1846 ; cette diminution doit être attribuée à ce que depuis cette époque, une brigade de douaniers a quitté la localité ". Monsieur le Maire semblait déplorer qu'Aussurucq ne comptât plus désormais "que" 716 habitants. 

Comme déjà mentionné dans un précédent billet, je savais que mon aïeul à la sixième génération, Pierre Dargain dit Laxalt, était sous-lieutenant des Douanes à Aussurucq à cette époque. Son dossier retrouvé au Musée national des Douanes de Bordeaux, m'apprend qu'il y était une première fois du 1er juin 1837 au 30 avril 1842, puis du 1er avril 1845 au 30 septembre 1848.   

Le départ de cette brigade semble être intervenu avant la fin de l'année 1848 et mon aïeul, le seul natif du la commune, a été apparemment le dernier à partir. Pour comprendre l'impact de la présence de cette brigade sur le village, l'idée m'est venue de reconstituer le parcours de chacun. 

Commençons par le plus gradé, le lieutenant Martin Iribarnegaray. Né le 10 octobre 1783 à Baïgorry*, il a d'abord été instituteur avant d'intégrer les Douanes Impériales le 1er janvier 1807. Deux ans plus tard, il est sous-lieutenant et en décembre 1813, lieutenant. Il a donc déjà vingt-deux ans de carrière quand il prend la brigade d'Aussurucq en 1829. Entre temps, il a épousé une jeune fille de Musculdy, Anne Duhalt, et ils ont déjà trois fils en bas âge à leur arrivée au village.

Martin Iribarnegaray ne restera que trois ans à Aussurucq, il aura une dernière affectation avant de se retirer à Musculdy où sa femme et lui auront encore deux fils en 1832 et 1834, l'année où il prend sa retraite à cinquante-et-un-ans. Les deux garçons n'atteindront hélas pas leurs deux ans mais en 1839 naît leur dernier enfant, enfin une fille. Le 2 décembre 1867, le cadavre de Martin est retrouvé dans un champ à Pagolle, commune voisine de Musculdy. Sa femme, Anne, lui survivra cinq ans. 

Dans le billet "Douaniers de père en fils", j'avais intégré une "bio express" de Pierre Dargain dit Laxalt. J'ai fait une petite erreur que les recensements m'ont permis de corriger. Quand il quitte Aussurucq en 1848, Pierre est veuf depuis six ans et a perdu une petite fille. Cependant, contrairement à ce que je pensais, Marie-Jeanne, mon arrière-arrière-grand-mère, alors âgée de quinze ans, va le suivre dans son affectation suivante.   

En octobre 1848, il est muté à la brigade de Boucau-Nord, à côté de Bayonne et son traitement passe à 650 francs. Il sera admis à la retraite le 1er avril 1850, six mois avant ses cinquante ans. Lui et sa fille se retirent alors dans leur maison Laxalt d'Aussurucq où il mourra trois ans plus tard. Entre temps, Marie-Jeanne, sa fille unique, s'est mariée à dix-huit ans avec Dominique Irigoyen avec lequel elle aura quatorze enfants.    

Parmi les préposés qui composent la brigade, un autre est relié à mon arbre même si c'est de façon éloignée. Jean Gombault, fils d'un receveur des douanes, neveu et futur père de préposés des douanes, est né à Vieux-Boucau le 18 avril 1804. Trente ans plus tard, presque jour pour jour, il arrive à Aussurucq, "par suite de son mariage" précise son sommier. Il a en effet convolé le 20 novembre 1833 à Licq avec Engrâce Eppherre, couturière de métier.

Bien que d'une branche différente de la mienne, cette Engrâce n'est autre que la demi-sœur de Scholastique, plusieurs fois évoquée ici. Ensemble, ils vont avoir pendant les quatorze ans qu'ils passeront à Aussurucq, six enfants entre 1834 et 1845 dont l'aîné, Joseph, fera à son tour carrière dans les douanes. La famille a sa propre maison dans le village, contrairement à d'autres qui sont regroupées dans la maison Etchandy, probablement dans un logement de fonction.

A son départ d'Aussurucq, Jean Gombault terminera sa carrière à Licq où Engrâce et lui auront un septième enfant, un garçon, en 1851. Dix ans plus tard, il prend sa retraite, toujours comme préposé, et le 26 octobre 1873, il s'éteint dans sa maison d'Escapila-Tchipila, suivi sept ans plus tard de sa femme.

Il n'aura échappé à personne que le départ de cette famille nombreuse aura, à elle seule, contribué à ce que le village se vide...

[A suivre] 
* Aujourd'hui Saint-Etienne-de-Baïgorry

Illustration : Douanier dans les Pyrénées à la frontière d'Espagne (gabelou.com)

2 commentaires:

  1. C'est intéressant de reconstituer le parcours de ces douaniers qui ont vécu à Aussurucq. J'imagine l'émoi du maire qui se rend compte de la perte de 24 habitants dans son village ! J'imagine que malheureusement, cette commune a connu une démographie déclinante à la fin du 19ème siècle... à moins que tu me contredises :) !

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    1. Je te confirme Sébastien qu'Aussurucq n'a cessé de perdre des habitants depuis 1860 pour atteindre 248 habitants au recensement de 2015 (à rapprocher des 740 en 1846 quand se situe mon récit).

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