jeudi 29 mars 2018

Une mère et ses filles en Argentine (V) - Gracianne

Dans la fratrie Serbielle-Etchats, Engrâce ou Gracianne est la deuxième fille après Marie. C'est pourtant elle qui émigre la dernière. D'après le Cemla qui recense les entrées en Amérique Latine, elle pose le pied sur le sol argentin le 29 décembre 1892. Née à Aussurucq le 21 août 1861, elle a donc 31 ans à son arrivée. 

Question : qu'a-t-elle fait auparavant ? Et son corollaire, pour quelles raisons se décide-t-elle à partir à ce moment-là ? Une chose est sûre, un an après, le 7 décembre 1893, Gracianne met au monde un fils né de père inconnu à Avellaneda (voir carte). L'enfant prénommé Juan José et portant le nom de sa mère Servielle (sic), est baptisé quelques semaines plus tard en l'église Nuestra Señora de la Asunción. 

L'année suivante, Graciana s'installe à Coronel Pringles où elle convole en justes noces le 18 avril 1894 avec Jacques "Santiago" Saldain. Je n'ai pas de certitude sur l'origine de ce dernier mais, par recoupement, je pense qu'il vient de Saint-Jean-le-Vieux et est né vers 1854. Le couple a un premier enfant, Santiago, en mai 1896, lequel reçoit le baptême à Santa Rosa de Lima, paroisse qui accueillera ses frères après lui.

Contrairement à ses sœurs, Graciana comme elle s'appelle désormais, n'aura que des garçons. A Juan José et Santiago succèderont Juan Ildefonso, Roman et Pedro nés entre 1898 et 1902. La famille Serbielle apparaît peu à Coronel Pringles sauf pour le baptême du petit dernier dont les parrain et marraine sont sa tante maternelle Clémentine et son mari Pedro Esponda.

Nous n'avons pas de détails sur ce qu'a été la vie de Gracianne et de son mari Jacques Saldain à Coronel Pringles. Qu'étaient-ils venus y chercher ? Une sœur de Jacques, Marie ou Maria et son mari José Bedecarrats apparaissent à leurs côtés, témoins de leur mariage à Dolores puis parrains de leur premier fils à Coronel Pringles. Leur présence a peut-être dicté le choix de Jacques dont on ignore le métier ?

La généalogie est souvent comme ça, elle nous révèle quelques bribes mais reste jalouse de ses secrets...

Epilogue
Il est temps de conclure cette saga familiale bâtie autour d'une mère et de ses quatre filles qui devaient avoir un sacré tempérament pour s'être lancées seules - ét séparément - dans une telle aventure ! La troisième génération, comme je l'ai déjà évoqué, va se regrouper au début du XXe siècle à Laprida.

Sans rentrer dans les détails (mon arbre est en ligne), je note qu'au regard des actes de naissance, la famille semble très soudée. Oncles et tantes, cousins et cousines sont presque toujours parrains et marraines des nouveaux bébés. Les enfants des quatre sœurs Serbielle dont j'ai retrouvé la trace ont épousé des Meguin, Ugalde, Garces, Sastre, Irigoin, Bayones ou Devinceti.

Aujourd'hui, une Maison Basque à Laprida perpétue l'héritage de l'Iparralde, ce Pays Basque français (ou Pays Basque nord) si loin dans les mémoires et si proche dans les coeurs. Peut-être recevrai-je un jour, qui sait, de quoi écrire un prolongement à cette histoire...
[Fin]  
Illustration : Estación de Pringles (non datée) Wikimedia 
Sources :   AD64Gen&OFamilySearchGeneanet, Wikipedia.

Un grand milesker à Maïté pour son inestimable travail de recherches ! 

mercredi 28 mars 2018

Une mère et ses filles en Argentine (IV) - La petite Marie

La "petite Marie" par qui toute cette histoire a commencé est la seule pour laquelle nous avons des dates précises de départ et d'arrivée. D'après les informations du Fonds Vigné, elle embarque à Bordeaux sur le "Ville de Saint-Nicolas" le 16 novembre 1887 et, grâce au Cemla, on sait qu'elle arrive en Argentine le 13 décembre suivant après sûrement une escale à Montevideo en Uruguay.

J'ai déjà évoqué dans un précédent billet la vie à bord durant cette traversée de près d'un mois d'après des témoignages d'époque. Rappelons que Marie n'avait alors que dix-sept ans ! Pour la distinguer de sa sœur aînée, nous l'appellerons désormais Maria car après tout, elle a dû porter plus longtemps ce prénom dans sa vie que ses variantes française ou basque.

Il n'a pas été très difficile de deviner quel avait été le point de chute de Maria à son arrivée : sa mère, ses sœurs Marie et Clémentine et leurs maris étaient tous à Juárez fin 1887. En revanche, un mystère entoure sa rencontre avec un certain Jean Sorhondo dont on ne sait rien ou presque si ce n'est qu'il a environ quinze ans de plus qu'elle et qu'il est basque français.

Ils se marient en 1888, assez vite après l'arrivée de Maria, donc. Le 21 mars 1889, Maria accouche à Avellaneda d'un petit Martin Benito qui est baptisé le 3 avril suivant en l'église Nuestra Señora de Asunción. Ses parrain et marraine sont des amis du couple et non des membres de la famille. Jean a peut-être pensé installer sa famille à Avellaneda avant d'opter pour Quilmes ?

Nous savons que la famille Sorhondo fera souche à Quilmes grâce au Census argentin de 1895. Il est fait mention dans le recensement de la population du Cuartel 3 (población rural) d'un Juan Sorhondo, 40 ans, journalier, accompagné de Maria S., 25 ans, et leurs trois enfants, Martin, 6 ans, Margarita, 4 ans et Pedro, 2 ans.

Autre information d'importance, la famille est également composée d'une Margarita Serviela de 70 ans et d'un Fernando Lagardo de 11 ans. Née en 1825, Marguerite a en effet soixante-dix ans et a donc rejoint sa fille cadette à Quilmes. Elle n'est pas venue seule, son petit-fils Fernando Lagarde, né en 1884, fils de Marie l'aînée, vit désormais avec elle chez sa tante, à la campagne. 

Enorme frustration que connaissent bien les généalogistes, l'absence de registres ! A Quilmes, ils ont disparu ou n'ont pas été numérisés après 1890. Jusqu'au bout Pierre Sorhondo aura gardé ses secrets. Il faudra attendre le mariage de sa fille Margarita à Coronel Pringles en avril 1913 pour apprendre qu'il est décédé entre temps.

Mais surprise, Maria, présente au mariage de sa fille, est toujours domiciliée à Quilmes où elle s'est remariée avec un certain José L. Bacigalupo ! Toujours grâce à la troisième génération, on comprend que les Sorhondo ont eu (au moins) un quatrième enfant à Quilmes, une fille prénommée Maria Josefa, née après 1895, et qui se marie avec son cousin germain Pedro Esponda, le fils de Clémentine, en 1919.

En 1920, à Laprida, Maria Serbielle de Barigalupo est marraine de son petit-fils José Mario, fils de sa fille Maria Josefa et de son neveu Pedro Esponda. Après l'avoir longtemps cherchée, je ne résiste pas à la tentation de faire valider ce billet par "ma petite Marie" ...
[A suivre] 

Illustration : Estación de Quilmes (non datée) Wikimedia 
Sources :   AD64Gen&OFamilySearchGeneanet, Wikipedia.

mardi 27 mars 2018

Une mère et ses filles en Argentine (III) - Clémentine

Clémentine est la deuxième fille à se rendre en Argentine. Son nom est mentionné dans les registres de Guillaume Apheça, un agent d'émigration, déjà évoqué. Il n'était pas simple à repérer dans la liste car libellé Clémentine Etchax (sic). Encore une fois le nom de la maison - mal orthographié de surcroît - a pris le pas sur le patronyme ! Elle embarque donc le 5 octobre 1880. On se prend à espérer que sa mère Marguerite Lohitçun aura fait le voyage avec elle mais rien ne permet de l'affirmer.

Comme sa sœur aînée Marie, Clémentine Servielle se marie à l'église Nuestra Señora de los Dolores avec un compatriote, Pierre Esponda, le 23 juillet 1883. Née le 18 mai 1863, elle a donc vingt ans, son promis en a trente-deux et est originaire d'Espelette. Le couple s'installe à Juárez où vivent déjà Marie et Marguerite, et la famille Esponda s'agrandit rapidement avec l'arrivée de José, au printemps suivant.

Suivront Margarita en mai 1886, Tomas en avril 1888, Maria en juin 1892, Pedro en mai 1894 et Ana en septembre 1896. Sans surprise, la marraine de Margarita est sa grand-mère Marguerite comme elle l'avait déjà été pour sa cousine Margarita Lagarde. La marraine de Maria est sa tante maternelle Marie Serviella (sic) qui est aussi marraine de Tomas dont le parrain est...Tomas Etcheverri, son compagnon.

De leur côté, Clémentine Servielle et Pierre "Pedro" Esponda seront les parrains de la petite Clementina Serviela-Etcheverri, celle que son père a reconnue. Tous ces baptêmes sont célébrés à Nuestra Señora del Carmen à Juárez où la cellule familiale s'est reconstituée. D'autant que bientôt, une autre fille de Marguerite va la rejoindre...

Le couple Esponda semble être à l'aise, et Pedro apparaît rapidement dans les actes en qualité de propriétaire d'hacienda. Au tournant du siècle, la famille va s'installer à Laprida, une "ville nouvelle" fondée en septembre 1889 sur des terres prises aux communes de Coronel Suarez et Juárez (voir carte). Six ans après sa création, au recensement de 1895, elle compte déjà 4290 habitants.

En 1918, la population de Laprida aura doublé, à l'instar de la famille Esponda. Cinq des six enfants vont se marier donnant naissance à une vingtaine de petits-enfants. Cette même année, l'automobile fera son apparition et parmi les 99 premières immatriculations, on comptera celle de ... Clementina Serbielle de Esponda !  

[A suivre]

Illustration : Juárez, Avenida Alsina y Banco de la Provincia de Buenos Aires (benitojuarez.gov.ar
SourcesAD64 (état civil), Gen&O (état civil et minutes notariales), FamilySearchGeneanet, Wikipedia.
eke-icb, Institut culturel basque, pour les registres de Guillaume Aheça 

Une mère et ses filles en Argentine (II) - Marie

Marie Servielle Etchats naît à Aussurucq le 12 décembre 1857. Trois garçons nés avant elle sont morts en bas âge et à peine un mois après sa naissance, un autre de ses frères meurt à son tour. Elle n'a donc qu'un frère aîné, Joseph, âgé de dix ans. Quand leur père décède, Marie n'a pas dix-sept ans et un an après, son frère se marie et hérite de la maison.

Comme beaucoup de cadets, Marie est destinée à rester domestique au service de son frère et de sa belle-sœur, les nouveaux maîtres, quitter sa famille pour se placer comme bonne dans une autre maison à Bordeaux ou Paris, ou rentrer dans les ordres. Ou bien, tenter sa chance "aux Amériques".

Une cousine germaine du côté maternel, un peu plus âgée qu'elle, Clémentine Etcheber, a embarqué en 1860 à destination de Montevideo puis s'est intallée à Dolores. Créée en 1817, la ville qui compte près de 8000 habitants, s'enorgueillit d'être le "berceau de la démocratie" en Argentine. Placée comme son nom l'indique sous la protection de "Nuestra Señora de los Dolores", une belle église de style roman est consacrée à la Sainte Patronne. 

C'est là que le 25 janvier 1881, Marie, âgée de vingt-trois ans, va convoler avec un certain Jean Lagarde, originaire d'Etcharry en Basse-Navarre. Clémentine Etcheber, devenue Clementina Etcheverry, est son témoin. De cette union vont naître trois enfants, Jean, le 27 janvier 1882, Margarita, le 26 août 1883 et Fernando, le 1er novembre 1884. Les trois enfants sont baptisés en l'église "Purificación de la Virgen María" d'Ayacucho.

Après son mariage, le jeune couple semble en effet avoir quitté Dolores pour Ayacucho, une ville à environ 150 kilomètres au sud-est de là, en pleine pampa. C'est probablement là, entre 1881 et 1883, que Marguerite, la mère de Marie va rejoindre sa fille puisqu'elle est la marraine de la petite Margarita en août 1883.

Jusque-là, la vie de Marie en Argentine est assez facile à suivre. C'est après que tout se complique... A partir de 1885, nous perdons la trace de Jean Lagarde. Marie reparaît quant à elle en 1887 à Juárez où le 13 octobre, elle donne le jour à une petite Clementina Serviela (sic) de père inconnu. L'enfant naturelle est reconnue a posteriori par son père, Tomas Etcheverri. Sur l'acte de reconnaissance, le père signe Thomas Etcheberry. A-t-il un lien de parenté avec la cousine Clémentine Etcheber ?

Marie aura encore deux enfants nés de père inconnu en 1892 et 1896, José Pedro et Graciana, baptisés également à Juárez. Puis une petite dernière, Florentina, naît le 14 mars 1902 toujours de père inconnu, et elle on lui donne pour marraine sa demi-sœur Margarita Lagarde, âgée de dix-neuf ans (!). Le baptême de Florentina a lieu à Coronel Pringles, le 22 octobre de la même année, Marie a alors 45 ans !

Beaucoup d'interrogations demeurent au sujet de cette Marie. Où est passé son premier époux ? Est-il mort ? Ont-ils divorcé ? Si ses quatre enfants "naturels" étaient ceux de Thomas Etcheberry, pourquoi n'aurait-il reconnu que la première ? Que sont devenus les sept enfants de Marie dont aucun mariage ni descendance n'apparaissent dans les registres de FamilySearch ? Où Marie a-t-elle fini ses jours, à Coronel Pringles, son dernier domicile connu en 1902 ? Autant de questions pour l'instant sans réponses...
[A suivre]

Points de chute de la famille Serbielle, du NE au SO :
Dolores, Ayacucho, (Benito) Juárez, Laprida et Coronel Pringles 

Illustration : Ayacucho (non daté) Wikimedia
SourcesAD64 (état civil)Gen&O (état civil et minutes notariales)FamilySearch, Geneanet, Wikipedia.  

lundi 26 mars 2018

Une mère et ses filles en Argentine (I) - Marguerite

Avant propos
Le billet écrit en décembre 2015 "Emigration basque : et si l'on parlait des femmes ?" est à ce jour le plus lu de ce blog. Dernièrement, je reçois d'une amie de longue date mordue de généalogie depuis bien plus longtemps que moi, ce message : "Je crois que j'ai retrouvé ta "petite Marie !".  S'en suit un échange de courriels entre Maïté et moi pour partager nos trouvailles qui va nous conduire de surprises en surprises. Quand j'ai donné ce titre à mon post, j'étais loin d'imaginer que je tenais là une incroyable histoire d'émigration basque au féminin ! Un gynécée familial parti du berceau de mes ancêtres dans la Soule et qui plus est, lié à eux.


Je m'autorise une première entorse à la chronologie de cet exil en commençant pas la mère, Marguerite Lohitçun. Née le 2 juin 1825 dans la maison du même nom d'Aussurucq, elle est la fille de Joseph Lohitçun, laboureur, adjoint au maire, et de Marie Etcheber (ou Etcheberry) d'Ordiarp. Douzième d'une fratrie de quatorze, c'est aussi la petite soeur de ma trisaïeule Marie Lohitçun (1809-1842). Marguerite ne dérogera pas à la règle des familles nombreuses au 19e siècle et aura dix enfants.

Son mari Pierre Serbielle dit Etchats décède à Aussurucq le 2 mai 1874 et, à 49 ans, Marguerite se retrouve veuve avec cinq enfants, les autres lui ayant tous été enlevés en bas âge. Un an et demi plus tard, son aîné, Joseph, se marie avec une fille du village, Marianne Chalde-Lago, et hérite de la maison Etchats. Marguerite cohabite donc avec son fils et sa bru, et ses quatre filles, Marie, née en décembre 1857, Engrâce dite Gracieuse en août 1861, Célestine en mai 1863 et la "petite Marie", en juillet 1870.

De la grande fratrie dont elle-même est issue, il ne reste à Marguerite qu'un frère aîné, Pierre, cultivateur et héritier de la maison Lohitçun, et quatre sœurs, l'une commerçante à Bayonne, une autre émigrée à Montevideo (Uruguay), une troisième partie suivre son mari à Sauguis, et la dernière, que j'ai eu l'occasion d'évoquer, mariée à un chef douanier à Cette (Hérault).  

Une chose est sûre, Marguerite Lohitçun veuve Serbielle est présente dans l'étude de Maître Sallaberry à Mauléon (Basses-Pyrénées) le 4 mai 1880 quand elle comparaît avec son fils et sa belle-fille pour une vente de terrain. Dans cet acte, il apparaît que la fille cadette, Marie, s'est expatriée entre temps à Dolores en Argentine. Les trois autres sœurs, encore mineures, sont toujours auprès de leur mère.

Marguerite se sentait-elle de trop avec ses filles dans la maison de son fils ? Nous ne le saurons jamais. Ce qui est certain, c'est qu'entre 1880 et 1883, seule ou avec une de ses filles, elle va prendre à son tour le chemin de l'Argentine pour rejoindre sa fille Marie. Le 10 octobre 1883, Margarita Serbiel (sic), 56 ans, porte sur les fonts baptismaux de l'église Purificación de la Virgen María d'Ayacucho, sa petite-fille Margarita, née deux mois auparavant du mariage de Marie Serbielle et Jean Lagarde.

[A suivre]
Illustration : Arrivée à Buenos Aires (non daté) Archivo General de Nacion, Argentina
Sources: AD64, Gen&O, FamilySearch           

dimanche 4 mars 2018

Destins brisés (III)

A quel moment Jean-Baptiste apprend-t-il la disparition de son frère Dominique ? Sûrement assez vite vu qu'ils sont du même régiment. Est-ce lui qui écrit à ses pauvres parents pour leur annoncer la nouvelle ? Ou préfère-t-il attendre de savoir si son cadet a été fait prisonnier ? Le temps passe et voilà déjà Noël 14. La veille, il a été nommé sergent.

1915. Une période de calme relatif commence. On en profite pour multiplier les tranchées et les boyaux afin de créer des abris profonds et bien aménagés pour mettre les hommes à l'abri des obus et des intempéries. Le 28 juin est une journée mémorable, le Président de la République se déplace en personne à Rosnay pour accrocher la Croix de guerre au drapeau du régiment. 

1916. Nouvelle année. Mi-janvier, Jean-Baptiste suit les cours de chef de section et est promu sous-lieutenant de réserve pour la durée de la guerre. Dans la nuit du 4 au 5 avril, il se distingue, comme indiqué dans l'ordre du régiment n°118 du 10 avril 1916 : "Le sous-lieutenant Brisé s'est particulièrement signalé par le courage et le sang froid dans une lutte à la grenade et au fusil entre une patrouille française et une patrouille allemande." 

Moins de deux semaines après ce moment de bravoure, sa mère Engrâce meurt à Saint-Just-Ibarre. Son "Battitta" en est-il prévenu ? Bénéficie-t-il d'une permission pour rentrer au pays ? C'est une chose que les livrets militaires ne disent pas...    

L'instruction se poursuit activement au sein du 18e. Tous se préparent pour Verdun dont on entend au loin l'écho de la canonnade. Jean-Baptiste sait-il que son cousin Michel, engagé dans le 60e, est tombé en février au Bois de Caures ? Le 23 mai, le régiment est conduit sous une chaleur accablante à Dugny par automobiles.

Début juin, nouvelle citation dans l'ordre général n°75 de la 36e Division d'infanterie à laquelle le 18° RI appartient : "Très belle attitude au feu. Blessé une première fois, a conservé le commandement de sa section, l'a entraînée vigoureusement en avant malgré la violence du bombardement. A été blessé une seconde fois".

Ce sera la dernière. En mai 1917, le plateau de Craonne, jugé inexpugnable, est enlevé à l'ennemi par le 18e. Malgré cette victoire, c'est à Craonne que le sous-lieutenant Jean-Baptiste Brisé, instituteur, rugbyman, décède le 4 juin 1917 des suites de ses blessures. On lui décerne la Croix de guerre. Il avait 27 ans et la vie devant soi. 

Illustration : Carte postale non datée, Delcampe.net et Scuf pour la photo de JP Brisé
Sources : AD64Registres militaires du 64, Historique du 18) Régiment d'Infanterie (BDIC, domaine public, transcription P. Chagnoux, 2016)