mercredi 28 février 2018

Destins brisés (I)

Il m'était impossible après avoir pris la plume au nom de mon arrière-grand-tante Engrâce Irigoyen de ne pas évoquer ses deux fils Jean-Baptiste et Dominique Brisé, instituteurs comme elle, avant d'être broyés comme tant d'autres par la Grande Guerre...

Quelques mois après la mort de sa petite fille Marie-Jeanne, l'institutrice de l'école des filles de Saint-Just-Ibarre attend un autre enfant. Le 7 août 1889, naît dans la Maison Irigoin, un garçon prénommé Jean-Baptiste que l'on surnommera, j'imagine, Battitta. Deux ans après, jour pour jour, le 7 août 1891, il est suivi d'un frère auquel on donne le prénom de son grand-père maternel, Dominique.

Je suppose que l'enfance des deux frères se passe tranquillement dans le petit village de Saint-Just, entre l'école, l'atelier de leur père, menuisier-charpentier, sans oublier l'église où leur instituteur les conduit pour les leçons de catéchisme. Peut-être ont-ils parfois le droit d'entrer dans le café que tient leur tante paternelle aidée de leur père, mais rien n'est moins sûr...

Comment vivent-ils la mise à l'écart de leur mère en 1899, contrainte de quitter Saint-Just pour Ibarrolle ? Ont-ils la "boule au ventre" au moment de quitter le cocon familial pour l'école normale de Pau-Lescar, que Jean-Baptiste rejoint le 1er octobre 1906 et Dominique à la rentrée 1908 ? Ils en ressortent l'un et l'autre au bout de trois ans munis de leurs brevets élémentaire et supérieur ainsi que d'un certificat d'aptitude à enseigner.

Jean-Baptiste est évalué pendant l'année scolaire 1909/10 alors qu'il est en poste à l'école publique de garçons de Tardets en tant qu'instituteur adjoint. L'appréciation est très laconique... De toute façon, très vite, il est mis en congés pour cause de service militaire qu'il effectuera au 18e Régiment d'Infanterie de Pau puis à Paris. Il est renvoyé dans ses foyers en septembre 1912 avec un certificat de bonne conduite.

Une passion anime désormais "Battitta", le rugby à XV, qu'il pratique d'abord avec le Sport athlétique mauléonais puis au Scuf* pendant son service. C'est sous ce maillot qu'il dispute le 20 avril 1913 la finale du championnat de France** contre l'Aviron Bayonnais. Les Basques l'emportent 38 à 10 contre les Parisiens, ce qui dût être pour lui une petite consolation...  

A-t-il vraiment la vocation d'instituteur ? En dehors de ses exploits sportifs, on le retrouve à la fin de l'année 1913 pendant au moins quatre mois à Cañete au Chili où il rend visite aux deux frères de sa mère, Grégoire et Michel Irigoyen. Dans son dossier d'instituteur est également conservée une demande acceptée de congés pour convenance personnelle du 1er novembre 1913 au 30 septembre 1914. A-t-il songé à émigrer à son tour ? Ou à poursuivre sa carrière rugbystique ?

Le 1er août 1914, l'ordre de Mobilisation Générale le rattrape et le 2, il rejoint son régiment à Pau...
[A suivre]
* Sporting Club Universitaire de France
** Actuel Top 14

Illustration : Ecole normale d'instituteurs de Pau-Lescar, carte postale non datée, archives départementales des Pyrénées-Atlantiques.
Sources : AD64, Registres militaires du 64, Dossiers d'enseignement de Jean-Baptiste et Dominique Irigoyen consultables aux Archives départementales de Pau (64). Wikipedia et Scuf (pour la partie rugby)

1 commentaire:

  1. Cela me fait plaisir de savoir que ce jeune homme a traversé l'Atlantique pour aller au Chili, sa vie sera bien trop courte, pour réaliser ses rêves.

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