mercredi 3 mai 2017

Les passagers de l'entrepont (lI)

Le port de Bordeaux - Sources : Visas en Bordelais
Sorti en mars 1878 du Chantier Naval de La Ciotat alors propriété des Messageries Maritimes, le Congo effectue sa première traversée le 20 novembre de la même année. Il dessert pour la compagnie les liaisons vers l'Amérique du Sud. En août 1888, deux mois seulement avant le départ de nos héros, il ramène chez lui l'empereur Dom Pedro du Brésil et toute sa suite qui occupent toutes les cabines de la première classe.

Ce ne sera évidemment pas le cas de Pierre Eppherre et de ses camarades qui, comme la plupart des émigrants (jusqu'à 1200 sur le Congo !) voyageront dans l'entrepont. Voilà ce qu'en dira un témoin en 1908 :"La dernière classe, si on peut appeler ça une classe était l'entrepont. comme dortoir, une partie de la cale avant, avec des lits à paillasse mais sans draps ; comme réfectoire et promenoir, la pointe avant du bateau ; c'était là qu'était apportée la nourriture dans un matériel de campement ; la vaisselle se composait d'assiettes en métal et couverts en fer battu étamé que les passagers nettoyaient eux-mêmes ; c'était la classe des émigrants.

On y trouvait des Basques, sachant à peine le français, de la région de Bayonne et d'Oloron, avec leur blouse courte et leur petit béret bleu [...] ; pour passer le temps, ils exécutaient selon leur fantaisie, des danses de leur pays, on les voyait tourner sur eux-mêmes tout en claquant des pouces, accompagnés d'une guitare, tandis que les femmes chantaient d'un air nasillard un refrain langoureux ; dès que les Basques avaient fini, c'était au tour d'Espagnols et de Portugais."

En attendant, on imagine nos jeunes basques les yeux écarquillés devant le spectacle incessant des quais de Bordeaux et l'énorme paquebot à vapeur qui va bientôt les avaler, jurant à coup de Ala Jainkoa* !  lâchés maintenant que Ama** n'est plus là pour leur taper sur les doigts. C'est qu'il est imposant le Congo avec ses quelque 125 mètres de long et ses 12 mètres de large, ses trois mâts et son immense cheminée !

Avec Pierre, ils sont une dizaine de garçons du même âge à plaisanter pour se donner du courage. Le plus jeune a 14 ans. Il se nomme Jean Eliçabe, il est né le 10 avril 1874 à Lacarry en Haute-Soule au foyer d'Arnaud Eliçabe et Brigitte Bassaber. Le plus âgé c'est Jean-Pierre Garat, il est noté âgé de 17 ans sur les registres de Jean Vigné. En fait, il en a presque 20 puisqu'il est né le 11 novembre 1868 à Esquiule. Il vit chez ses parents Jean Garat et Marguerite Balent à Orin, un petit village à la limite du Béarn.    

[A suivre]
*juron basque **Maman

Sources : AD 64, Registres militaires 64, Encyclopédie des Messageries Maritimes, Visa en Bordelais, Wikipedia

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