lundi 22 mai 2017

Bertrand ou Jeanne ? Mystère autour d'une naissance

Mauricio Flores Kaperotxipi
La généalogie apporte chaque jour son lot de surprises. Récemment, j'ai repris une branche de la mienne et je suis tombée sur un acte de naissance d'une Jeanne Esponde, née le 11 juin 1809 à Mendive (Basses-Pyrénées) qui, de prime abord, m'a semblé être une soeur de mon arrière-arrière-arrière-grand-père Bertrand Esponde (sosa 42). En l'intégrant dans mon arbre généalogique, je me suis alors aperçue que tous les deux étaient nés ... le même jour !

J'ai tout de suite pensé à une naissance gémellaire mais j'ai eu beau regarder, je n'ai retrouvé que l'acte de naissance de Jeanne dans le registre. Pourtant, j'étais sûre d'avoir enregistré précédemment celui de mon aïeul Bertrand, et j'en avais gardé une copie. Puis, je me suis souvenue que les AD64 ont souvent deux registres, un départemental et un municipal. Il ne me restait plus qu'à comparer les deux... 

Première anomalie, la collection départementale compte douze pages et la municipale, quinze pour les registres 1807-1812 et, dans cette dernière, je trouve bien l'acte de naissance de "mon" Bertrand : même jour, mêmes témoins, même maison (très éclairante la mention des maisons au Pays Basque !) et même identité de la mère, Marie Çubiat (sosa 85), Quant au père, il est présent mais pas nommé. Deuxième anomalie, l'acte de naissance de Jeanne se trouve lui, dans le registre départemental. 

Enfin, les deux actes ne sont pas identiques, il existe des différences comme l'heure de naissance (deux heures de relevée pour Jeanne et cinq heures du soir pour Bertrand). En y regardant de plus près, je m'aperçois que sur l'acte de naissance de Bertrand, la déclaration des témoins fait état d'un enfant "femelle" et que le prénom semble avoir été effacé puis corrigé. Pour en avoir le coeur net, je décide de rechercher des traces de Jeanne postérieures à sa naissance. Rien. Ni acte de mariage, ni acte de décès.

Ma conclusion : comme je ne pense pas être en présence d'un phénomène transgenre, j'en déduis qu'au moment de son mariage avec Gracianne Ohyamburu (sosa 43) le 29 avril 1839 quand il a fourni son acte de naissance (comme indiqué dans l'acte de mariage), Bertrand Esponde a dû se rendre compte qu'il avait été déclaré "fille" et sous le prénom de Jeanne. Et c'est à ce moment-là que le maire a dû effectuer la correction du prénom (mais pas du sexe !) dans le registre de la commune sans que ceci ne soit reporté sur le registre départemental.

L'histoire ne dit pas dans quel état se trouvaient le père et ses voisins, les sieurs Bidegain et Ondartz (je les mentionne pour la postérité) quand ils sont venus déclarer ce 11 juin 1809 la naissance du nouveau-né !


Acte de naissance de Jeanne Esponde le 11 juin 1809

Acte de naissance de Bertrand Esponde le 11 juin 1809


samedi 20 mai 2017

Histoire d'un rendez-vous manqué

Carte postale ancienne Delcampe.net
Bientôt deux heures que je suis seule dans cette petite salle du Château de Ruthie. Devant moi, étalés sur la table, une douzaine de registres reliés en cuir rouge que m'a apportés la secrétaire de la mairie d'Aussurucq. Deux heures que je déchiffre des écritures des siècles passés et qui, mis bout à bout, résument une vie : on naît, on se marie, on a des enfants, on meurt. 

J'ai un peu chaud, ma vue se brouille, mes pensées vagabondent de plus en plus... Soudain, des bruits de voix dans la pièce d'à côté :
"Mais enfin, mon Père, vous pensez qu'ils vont bientôt arriver ? C'est que je n'ai pas que ça à faire moi, on m'attend à l'étude !
- Ne vous inquiétez pas, Maître, Monsieur l'instituteur est homme de parole".   

Je glisse un œil par la porte entrebâillée. J'ai beau savoir que le château servait de presbytère avant d'abriter la mairie, qu'elle n'est pas ma surprise de voir un curé en soutane devisant avec un gentilhomme en habit semblant tout droit sorti d'un roman de Balzac ! De plus en plus irrité, celui-ci se saisit d'un porte-plume et commence à écrire tout en énonçant pour l'auditoire :

"Aujourd'hui, 6 octobre 1856, par devant nous Jean Casenave, notaire à la résidence de Mauléon, chef-lieu du troisième arrondissement des Basses Pyrénées furent présents la dame Engrace Iribarne appelée aussi Sorçaburu ou Sagaspe, travaillant au métier de tisserante (sic) résidant en ladite commune d'Aussurucq et..."

A ce moment, j'aperçois une femme que je n'avais pas vue, la quarantaine, coiffée d'un mouchoir de tête blanc et chaussée de sabots de travail. A ses côtés, un homme du même âge vêtu de la traditionnelle chamarra* noire et le béret posé sur l'occiput. 

"Ah les voilà ! s'écrie l'homme d'église, je vous l'avais bien dit, Maître." Il n'a pas l'air en forme notre brave curé, sa mine est grise et son souffle court quand il accueille ses ouailles, un jeune couple que je reconnais aussitôt sans les avoir jamais vus : mes arrière-arrière-grands-parents, Dominique Irigoyen, instituteur du village, 27 ans, présente ses excuses au notaire, sa jeune femme Marie-Jeanne Dargain-Laxalt s'est sentie soudain souffrante.  

J'ai bien envie d'aller les saluer mais je ne pense pas que ce soit du goût de l'homme de loi. Je devine la raison de l'indisposition de ma chère aïeule, je sais qu'elle est enceinte de quatre mois, un petit Joseph s'annonce pour le printemps prochain. Et qu'elle est déjà fatiguée par ses petites Marie, 3 ans, Marguerite, 2 ans et le bébé Pierre, un an, alors qu'elle-même n'a que 22 ans. Ce qu'elle ignore, c'est que ce ne sont que les premiers de ses quatorze enfants, elle une fille unique !

Sa présence s'explique car c'est elle l'héritière des terres dont parle le notaire en poursuivant maintenant que tous les protagonistes sont là : les deux témoins, le Père Pierre Etchegoyhen-Etcheverry, desservant de la paroisse, et le sieur Dominique Necol dit Jaureguiberry, charpentier, les vendeurs et l'acheteuse. La transaction porte sur une pièce de terre labourable de dix-huit ares vingt centiares (1820 mètres²) appelée "Guessaltia" cédée pour la somme de trois cents francs.

Tous signent l'acte de vente à la suite du notaire, sauf l'acquéreuse qui ne sait pas écrire, et chacun repart vaquer à ses occupations. Je ferais bien un bout de chemin avec mes aïeux mais malgré son jeune âge, Dominique m'impressionne, quant à Marie-Jeanne, elle a l'âge d'être ma fille. Alors, je les regarde prendre la direction de la maison Laxalt en traversant le terrain devant le château qui bientôt abritera un fronton où leurs descendants joueront des années durant à la pelote.

La porte s'ouvre soudain sur la secrétaire de mairie qui m'annonce que celle-ci va bientôt fermer et me demande si j'en ai encore pour longtemps. Un doute me gagne : me serais-je assoupie ?

Epilogue : Mon intuition était bonne, deux jours après cette scène, deux voisins sont venus en mairie signaler que le "pasteur de brebis" du village, le Père Etchegoyhen, s'était envolé au Royaume des Cieux. Quant à mes ancêtres, ils seraient sans doute surpris d'apprendre que sur cette terre de Guessalia, l'un de leurs arrière-arrière-petits-enfants, mon cousin Dominique, a bâti sa maison...

Sources : AD64 (état civil et archives notariales de l'Etude IV de Mauléon, Pyrénées Atlantiques), association Ikarzaleak pour l'histoire du château de Ruthie et mémoire paternelle. 
Lexique : *Chamarra : veste courte noire à une ou deux fermetures portée autrefois en Soule et Basse Navarre.
Ce billet a été réalisé dans le cadre du RDV Ancestral, un projet d'écriture mêlant littérature et généalogie. La règle du jeu est la suivante: je me transporte dans une époque et je rencontre un aïeul. Pour retrouver mes précédents billets sur ce thème, suivre le libellé #RDVAncestral.

vendredi 5 mai 2017

Les passagers de l'entrepont (IV)

Débarquement à Buenos Aires - Non daté
Autant le dire tout de suite, nous ne saurons pas si Dominique Ressegue de Barcus était sur les quais de Buenos Aires pour accueillir sa soeur Magdeleine. C'est ainsi, la généalogie débouche souvent sur des impasses. Le plaisir est dans la quête, la frustration aussi, souvent. Aucune trace des Ressegue, de Marie Mirande, d'Anne Heguiaphal, de Jean Behety, de Jean Harchinchu ou des Navarrais.

Même mon lointain parent, Pierre Eppherre d'Alçay, qui portait les mêmes nom et prénom que mon grand-père, je ne l'ai pas retrouvé dans le recensement de 1895 en Argentine, ni en Uruguay voisin. D'après son livret militaire, il est déclaré "insoumis" le 6 juin 1893. Au regard de son adresse une indication plutôt vague : Amérique. On retrouve bien un Pedro Eppherre déjà évoqué et au fond, peut-être me suis-je trompée depuis le début ? Je ne désespère pas d'obtenir des réponses un jour...

Un dont on sait en revanche ce qu'il est devenu, c'est le benjamin du groupe. Vous rappelez-vous de Jean Eliçabe de Charritte, 14 ans au moment de la traversée ? Triste destinée que la sienne, son livret militaire nous apprend qu'il a contracté la fièvre jaune au Brésil. Il décède à l'hôpital de Sao Sebastiao (province de Rio de Janeiro) le 11 mai 1896, à l'âge de 22 ans. Le consul de France au Brésil en fait la déclaration auprès des autorités militaires qui, je suppose, en informent les malheureux parents.

Un Bernardo Dorgambide apparaît dans le census de 1895 de Buenos Aires, son âge colle avec celui de notre "Beñat", le "meilleur copain" de Pierre. Il est marié avec une certaine Juana (Jeanne) Vidal ou Bidat selon les actes, née en 1874 à Buenos Aires. Ils ont eu deux fils dont on retrouve les actes de baptème à l'église San Jose de Flores de Buenos Aires, celui de Domingo (Dominique) le 14 septembre 1895 et celui de Martin le 22 mai 1897.

Curieusement, sur son livret militaire, il est mentionné que Bernard Dorgambide a une adresse en Argentine en mars 1901 mais le 24 juillet 1904 on le retrouve à La Bastide-Clairence, son village natal. Un mois jour pour jour plus tard, il est réformé ... pour obésité ! Il ne fera pas la guerre de 14-18.

Jean Chanquet d'Esquiule est recensé en 1895 en Argentine et à cette date, il est encore célibataire. Pourtant, le 5 février 1898 est baptisé en l'église Nuestra Señora de Balvanera à Buenos Aires, un petit Enrique fils de Juan Chanquet, 30 ans, et Eugenia Elissetche, 24 ans, les deux originaires de France et demeurant à Marcos Paz. Le parrain de l'enfant est un certain Juan M. Chanquet, 45 ans, français. Peut-on alors en conclure que lorsqu'il s'embarque sur le Congo en octobre 1888 Jean Chanquet s'apprête à retrouver son "oncle d'Amérique" ?

Lui aussi reviendra en France en 1913 et servira sa patrie brièvement avant d'être réformé en 1915 pour cécité.  A Buenos Aires, il a peut-être croisé Jean-Pierre Halcepo de Sainte-Engrâce qui lui aussi s'est marié avec une française, Maria Luisa Carsuza, et dont la fille Catalina est baptisée le 28 janvier 1905 dans la même paroisse qu'Enrique Chanquet. D'après son livret militaire, Jean-Pierre n'est plus jamais rentré.

Ainsi s'achève cette "saga" des passagers du Congo, destins croisés de jeunes gens qui voulaient croire en un avenir meilleur...
[Fin]    
   
Sources : Livrets militaires 64, FamilySearch (census de Buenos Aires 1895), Institut Culturel basque (Eke-Icb) pour la photo ... Et la libre interprétation de l'auteure de ce récit...  

jeudi 4 mai 2017

Les passagers de l'entrepont (III)

Cette fois, ça y est, ils sont partis. La traversée durera vingt-deux jours, aussi faut-il s'occuper. Avec les copains, on joue au mus*, on parle du pays, de la famille, pas trop pour ne pas avoir le coeur gros, et de la conscription à laquelle on vient d'échapper. On reluque aussi les filles. Tous n'ont d'yeux que pour la jolie Faustina Barace, 17 ans, qui vient d'Isaba en Navarre espagnole. Mais attention, sa mère, Josefa, veille...

Le meilleur copain de Pierre pendant cette traversée s'appelle Beñat Orgambide, ou Dorgambide, va-t-on savoir avec ces employés d'état civil ! Il est né le 23 février 1871 à La Bastide-Clairence, en Basse-Navarre. Laboureur comme son père Arnaud, il est l'aîné d'une famille de sept enfants. C'est le plus gros de la bande, Pierre le taquine un peu et se moque aussi de son basque bas-navarrais différent de celui qui se parle en Soule. 

Les Souletins, ce sont Jean Behety, né le 8 février 1871 à Barcus dans la maison d'Etienne Behety et de Marianne Eyheralt mais placé comme domestique à Gotein-Libarrenx, Jean Harchinchu, 16 ans et Jean-Pierre Halcepo, 17 ans, tous deux de Sainte-Engrâce, et Dominique Bente de Trois-Villes bien que né à Tardets le 6 mars 1872. Lui aussi est l'aîné de sept enfants, au foyer de Basile Bente et Gracieuse Aguer.

Il y a aussi les Basco-béarnais comme Jean Chanquet d'Esquiule, né le 19 mai 1869, fils de Pierre Chanquet et de Marie Muscagorry. Il a le coeur gros de partir mais c'est un cadet et comme le veut la tradition, c'est à son aîné de trois ans, Joseph, que reviendra la ferme. Pierre et ses copains se sont aussi liés d'amitié avec un Navarrais de 18 ans, Jose Maria Etchenique, originaire d'Etchalar. Un autre petit gars qui les intéresse c'est Bernard Lamardonne, 17 ans, de Lourdes et dont le principal intérêt est qu'il voyage avec sa grande soeur de 22 ans, Claire. 

Trois jeunes filles du pays ont embarqué seules. D'Anne Heguiaphal, 25 ans, on ne sait pas grand chose mais on suppose qu'elle voyage avec Marie Mirande, 22 ans et Magdeleine Ressegue, 21 ans, toutes trois de Barcus. Marie porte le prénom et le nom de sa mère, elle est née le 21 novembre 1866 à Barcus mais l'homme qui l'a déclarée ne lui a pas donné son nom. Quant à Magdeleine, née le 19 janvier 1867 à Barcus chez Bertrand Ressegue et Marie Hoursourigaray, elle part retrouver son frère Dominique, embarqué sur ce même bateau le 5 novembre 1886. 

Bientôt deux ans. Magdeleine espère qu'il sera là à l'arrivée à Buenos Aires... 
[A suivre...]
* Jeu de cartes très populaire au Pays Basque

Sources : AD64, Registres militaires 64, Fonds Vigné, Association Ikerzaleak

mercredi 3 mai 2017

Les passagers de l'entrepont (lI)

Le port de Bordeaux - Sources : Visas en Bordelais
Sorti en mars 1878 du Chantier Naval de La Ciotat alors propriété des Messageries Maritimes, le Congo effectue sa première traversée le 20 novembre de la même année. Il dessert pour la compagnie les liaisons vers l'Amérique du Sud. En août 1888, deux mois seulement avant le départ de nos héros, il ramène chez lui l'empereur Dom Pedro du Brésil et toute sa suite qui occupent toutes les cabines de la première classe.

Ce ne sera évidemment pas le cas de Pierre Eppherre et de ses camarades qui, comme la plupart des émigrants (jusqu'à 1200 sur le Congo !) voyageront dans l'entrepont. Voilà ce qu'en dira un témoin en 1908 :"La dernière classe, si on peut appeler ça une classe était l'entrepont. comme dortoir, une partie de la cale avant, avec des lits à paillasse mais sans draps ; comme réfectoire et promenoir, la pointe avant du bateau ; c'était là qu'était apportée la nourriture dans un matériel de campement ; la vaisselle se composait d'assiettes en métal et couverts en fer battu étamé que les passagers nettoyaient eux-mêmes ; c'était la classe des émigrants.

On y trouvait des Basques, sachant à peine le français, de la région de Bayonne et d'Oloron, avec leur blouse courte et leur petit béret bleu [...] ; pour passer le temps, ils exécutaient selon leur fantaisie, des danses de leur pays, on les voyait tourner sur eux-mêmes tout en claquant des pouces, accompagnés d'une guitare, tandis que les femmes chantaient d'un air nasillard un refrain langoureux ; dès que les Basques avaient fini, c'était au tour d'Espagnols et de Portugais."

En attendant, on imagine nos jeunes basques les yeux écarquillés devant le spectacle incessant des quais de Bordeaux et l'énorme paquebot à vapeur qui va bientôt les avaler, jurant à coup de Ala Jainkoa* !  lâchés maintenant que Ama** n'est plus là pour leur taper sur les doigts. C'est qu'il est imposant le Congo avec ses quelque 125 mètres de long et ses 12 mètres de large, ses trois mâts et son immense cheminée !

Avec Pierre, ils sont une dizaine de garçons du même âge à plaisanter pour se donner du courage. Le plus jeune a 14 ans. Il se nomme Jean Eliçabe, il est né le 10 avril 1874 à Lacarry en Haute-Soule au foyer d'Arnaud Eliçabe et Brigitte Bassaber. Le plus âgé c'est Jean-Pierre Garat, il est noté âgé de 17 ans sur les registres de Jean Vigné. En fait, il en a presque 20 puisqu'il est né le 11 novembre 1868 à Esquiule. Il vit chez ses parents Jean Garat et Marguerite Balent à Orin, un petit village à la limite du Béarn.    

[A suivre]
*juron basque **Maman

Sources : AD 64, Registres militaires 64, Encyclopédie des Messageries Maritimes, Visa en Bordelais, Wikipedia

mardi 2 mai 2017

Les passagers de l'entrepont (I)

Sources : Encyclopédie des Messageries Maritimes
Le 20 octobre 1888, le Congo, paquebot des Messageries Maritimes, s'apprête à appareiller. Il quitte Bordeaux pour Buenos Ayres (sic) en Argentine. C'est le début de l'aventure pour Pierre Eppherre, benjamin de la maison Bagadoy d'Alçay, petit village de la Soule. Le jeune basque a 17 ans, ne parle pas très bien français mais heureusement, il n'est pas le seul à s'embarquer. 

Pierre Eppherre né le 20 août 1871 à Alçay-Alçabéhéty-Sunharette (les trois villages disséminés sur les pentes de la vallée d'Ibar Eskun forment une seule commune depuis 1833) est le petit dernier d'une famille de douze enfants. Son père, Pierre Eppherre dit Bagarigue, originaire de Camou-Cihigue a 41 ans, sa mère Marie Bagadoy, 42. Autant dire que Pierre est une recrue de premier ordre pour Jean Vigné, le "marchand de palombes" de Tardets.

Jean Vigné a 29 ans quand il rencontre Pierre et son copain Philippe. C'est un sous-agent d'immigration de la Maison Colson à Bordeaux. Son rôle : démarcher des candidats potentiels à l'émigration, réserver leur place sur l'un des nombreux navires en partance, éventuellement un point de chute à Bordeaux, et les aider dans leurs différentes démarches. 

Les a-t-il rencontrés dans leur ferme en présence de leurs parents ou sont-ils venus le voir dans son magasin de Tardets où il vend vêtements, bagages et autres articles de voyage, mystère. Autre mystère, un Philippe Algallarrondo, âgé de 19 ans originaire d'Alçay, supposé partir le même jour, figure bien sur les précieux registres du Fonds Vigné mais un Philippe Dalgallarrondo, même âge, même village est censé avoir embarqué le 5 octobre, soit quinze jours avant sur l'Orénoque, sistership du Congo !  

Notons que le mystérieux Philippe ne figure ni dans l'état civil de la commune (il y a bien des Dalgalarrondo de la même période mais que des filles) ni dans les registres militaires. J'ai étendu mes recherches aux communes voisines gràce à la précieuse indexation de Gen&O mais rien non plus... J'aurais pourtant été rassurée de savoir notre jeune souletin accompagné lors de sa traversée. Mais des amis de son âge, Pierre va heureusement vite s'en faire ...
[A suivre...]   

Sources : AD64, Registres militaires 64, Messageries Maritimes, Institut Culturel Basque (EK-ICB), Association Ikerzaleak, Association Gen&O (Généalogie 64)